Annonce Le parquet a requis vingt ans de réclusion contre le "chef" du double attentat de 1999 à Ajaccioil avait prévenu : le doute est permis, mais l'intime conviction prévaut. Devant la cour d'assises spéciale de Paris, au terme d'un réquisitoire qui a duré moins de deux heures, l'avocat général, Yves Jannier, a réclamé des peines allant de douze mois d'emprisonnement à vingt ans de réclusion criminelle à l'encontre des onze nationalistes corses. Ceux-ci comparaissent, depuis le 4 avril, pour les attentats commis le 25 novembre 1999 contre les bâtiments de la direction départementale de l'équipement (DDE) et de l'Urssaf à Ajaccio.Réaffirmant le caractère "terroriste" de cette action, qui "a fait courir des risques de mort incontestables", le magistrat du parquet est revenu sur le contexte politique, en Corse, à l'automne 1999.A la veille de l'ouverture des discussions entre le gouvernement et les élus de l'île, "un groupe minoritaire a voulu qu'on parle de lui afin d'occuper une place plus grande à la table des négociations", a-t-il déclaré. Il en veut pour preuve le communiqué de revendication, déposé le 30 novembre 1999. Le même jour, le premier ministre d'alors, Lionel Jospin, annonçait l'ouverture d'un processus de dialogue, à l'hôtel Matignon. L'avocat général est convaincu que ce texte comminatoire s'inscrit dans une démarche de surenchère entre nationalistes.Dès le début de ses réquisitions, le magistrat n'a guère laissé planer de doutes quant à ses intentions. Il a évoqué "l'impression diffuse d'inachevé où transparaît une sorte de vérité non exprimée et de parole confisquée". Sans le nommer, il a d'emblée stigmatisé la stratégie de Joseph Peraldi tendant, selon lui, "à museler les autres".Car, pour M. Jannier, "le chef", celui "qui a entraîné tout le monde", est bien Joseph Peraldi, accusé de "complicité de destruction". L'avocat général a requis vingt ans de réclusion criminelle contre cet homme, "le seul qui, à cette audience, avait le levier de la vérité". Il est aussi celui qui n'a pas assumé sa responsabilité, dès lors qu'il s'est rétracté après des aveux, signés à l'issue des premières dépositions devant les enquêteurs et le juge d'instruction.Ce changement de position a "confisqué la parole" des autres accusés. "Il se tait, tout le monde se tait. Il parle et tout le monde parle", a lancé M. Jannier, selon qui M. Peraldi "envoie tout le monde à la catastrophe".L'avocat général n'a pas pour autant épargné les autres accusés, "qui n'ont pas dit tout ce qu'ils auraient pu dire". "C'est un choix qu'ils ont fait, ils en assumeront les conséquences", a-t-il lancé à l'adresse de Jean-François Ramoin-Luciani, de Jean-Claude Ampart, de Jean-Louis Orlandetti et de François Fieschi.Le premier est le seul qui revendique depuis toujours son appartenance à l'organisation clandestine du FLNC du 5 mai. Il reconnaît également sa participation à la décision d'une opération violente contre des bâtiments publics, tout en niant d'en être l'un des auteurs. L'avocat général a requis contre lui quinze ans de réclusion criminelle.La même peine a été réclamée à l'encontre de Jean-Claude Ampart et Simon Salvini, accusés d'avoir posé la bombe à la DDE.Tout en déchargeant MM. Orlandetti et Fieschi du chef de "complicité", M. Jannier a souhaité une condamnation de sept ans d'emprisonnement, assurant qu'ils ont participé "à cette entente" sur les attentats.Pas plus que l'enquête, les deux semaines de débat devant la cour d'assises n'ont permis d'identifier formellement l'auteur, ou les auteurs, des attentats, même si, pour l'accusation, M. Peraldi reste bien le commanditaire et leur organisateur.Toutefois, elles ont permis d'absoudre l'un des trois hommes poursuivis pour ce chef d'accusation : Nicolas Salvini. Il était soupçonné d'être l'un des poseurs de bombes aux côtés de son frère Simon et de Jean-Claude Ampart. Les vérifications faites sur son emploi du temps du 25 novembre au matin attestent la véracité de son récit."Sa participation à l'attentat est impossible", a estimé M. Jannier, qui a tout de même demandé cinq ans d'emprisonnement à son encontre. L'avocat général estime qu'il aurait participé à une réunion lors de laquelle il aurait été décidé de recourir à la violence.Les plaidoiries, prévues jusqu'au vendredi 22 avril, précéderont le verdict attendu ce même jour.
