Annonce Le Parlement européen vote pour limiter à 48 heures le temps de travail hebdomadaire dans l'UELe Parlement européen, qui se prononçait mercredi 11 mai en première lecture sur un projet de directive relatif au temps de travail, a supprimé la possibilité de dépasser les 48 heures hebdomadaires tout en acceptant une flexibilité accrue dans le calcul des heures travaillées. Le texte, adopté par 345 voix contre 264 et 43 abstentions, reprend tous les amendements résultant d'un compromis entre la plupart des groupes politiques, ce qui met le Parlement en position de force relative face au Conseil européen, qui doit maintenant se prononcer sur le sujet.Ce texte de compromis, le rapport de l'eurodéputé socialiste espagnol Alejandro Cercas, envisage donc la suppression totale, mais après une période de transition, des possibilités de dérogations individuelles ("opt out" en anglais) au plafond de 48 heures de travail hebdomadaire prévu par la législation européenne, dans les trois ans suivant l'entrée en vigueur de la directive.Le groupe des libéraux-démocrates et celui du PPE (Parti populaire européen, droite) se sont cependant divisés. Environ 60 % de leurs membres, soit plus ou moins l'Europe du Nord et de l'Est (dont la Grande-Bretagne et l'Allemagne) ont voté contre, l'Europe du"Sud" (dont les Français de l'UMP et de l'UDF) votant pour. Les travaillistes britanniques ont, en revanche, voté en faveur des amendements, contre la position de leur gouvernement au sein du Conseil."Sans aucun doute c'est un compromis, mais un compromis qui nous permet de faire avancer en même temps la sécurité et la flexibilité", avait prévenu par avance le rapporteur Alejandro Cercas, rapporteur du texte pour la commission de l'emploi et des affaires sociales du Parlement. "Nous voulons défendre le cœur de l'Europe sociale", avait-il ajouté lors d'une conférence de presse, dans une allusion appuyée au débat qui agite la France à l'approche du référendum sur la Constitution européenne."En Europe, c'est là qu'on vit le mieux, la production est bonne, on fait de la recherche, la qualité de vie est formidable, les normes sont les meilleures", a déclaré devant la presse M. Cercas après le vote. "Le Parlement a prouvé aujourd'hui qu'il croyait en ce modèle européen". Interrogé sur le débat français sur la Constitution européenne, qui se cristallise sur la place du social en Europe, M. Cercas a reconnu les "craintes parfois compréhensibles" des travailleurs face aux "délocalisations".Mais "en Europe, il y a un Parlement qui est colégislateur (procédure de co-décision) et qui a une influence politique très importante. Ce Parlement est très près de ces travailleurs français qui ont peur qu'on ait oublié leur qualité de vie et leur emploi", a-t-il martelé. SUPPRESSION DE LA CLAUSE D'"OPT OUT"L'Unice, qui représente le patronat européen, a cependant déploré l'adoption d'un texte qui freinera selon elle la croissance. "La flexibilité du temps de travail est essentielle pour la compétitivité des entreprises", a déclaré son secrétaire général, Philippe de Buck, dans un communiqué dans lequel il "déplore" les amendements adoptés par le Parlement européen. Point le plus emblématique du texte, la suppression de la clause d'"opt out" a obtenu 378 voix contre 262 et 15 abstentions. Dénoncée par la Confédération européenne des syndicats (CES), cette clause reconduisait, à quelques modalités près, une dérogation obtenue en 1993 par le Royaume-Uni, sous réserve d'un accord du salarié concerné. Les eurodéputés craignaient que d'autres pays, notamment parmi les nouveaux Etats membres, s'engouffrent dans la brèche pour pratiquer, avec l'"opt out", une forme de dumping social.Les parlementaires ont accepté, en contrepartie, que le temps de travail puisse être calculé en moyenne annuelle plutôt que sur quatre mois, sous réserve que l'annualisation soit prévue par la loi ou par la convention collective.Ils ont également lâché du lest en ce qui concerne les "temps de garde" spécifiques à certaines professions, notamment médicales, en acceptant que les temps d'inactivité puissent en être décomptés, sous couvert également de la loi ou de la convention collective.Seule la GUE (Gauche unitaire européenne, communiste) s'est prononcée, en tant que groupe, contre la proposition de la Commission européenne et contre le compromis parlementaire."La nouvelle proposition de la Commission accroît le dumping social", a estimé l'eurodéputé grec Dimitrios Papadimoulis pour qui, même avec le plafond des 48 heures, l'annualisation du temps de travail "peut aboutir à des semaines de 65 heures". Le processus de "codécision" pour adopter la directive n'en est qu'à ses débuts. Les 25 doivent examiner la proposition début juin, mais ils sont eux-mêmes très divisés sur la directive (loi européenne) en discussion, en particulier sur la question de l'"opt out". Un premier groupe de pays suit Bruxelles pour des dérogations plus encadrées. Le deuxième, emmené par le Royaume-Uni, demande moins de contraintes dans le recours à l'"opt out", alors que le troisième, composé notamment de la France et de la Suède, veut la suppression pure et simple des dérogations.Mercredi, la porte-parole du commissaire européen aux affaires sociales, Vladimir Spidla, a réaffirmé que la position de Bruxelles restait "inchangée sur l'opt out comme sur les gardes". Elle a toutefois ajouté que la Commission "étudierait le vote du Parlement européen" avant la réunion ministérielle de juin.
