Annonce Le "oui, si" du président Chirac à l'adhésion de la Turquie à l'UE Un rejet de la Turquie représenterait "certainement un risque d'instabilité, d'insécurité à nos frontières", a affirmé le chef de l'Etat lors du journal de 20 heures de TF1, mercredi 15 décembre. M. Chirac a ajouté que les Français auront "le dernier mot" par la voie du référendum, au terme de négociations qui "vont durer dix, quinze, vingt ans". Le président Jacques Chirac s'est livré mercredi 15 décembre sur TF1 à un exercice de pédagogie pour expliquer à une opinion publique française très réticente les raisons de son "oui, si" à l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. A la veille du Conseil européen de Bruxelles qui doit décider de l'ouverture de négociations d'adhésion avec Ankara, le chef de l'Etat s'est employé à faire partager sa conviction que l'Europe et la France ont tout intérêt à arrimer la Turquie à l'UE. Personnellement favorable à cette adhésion, Jacques Chirac est confronté à une opinion largement hostile jusqu'à l'intérieur du gouvernement. La position du chef de l'Etat crée une "difficulté incontestable", a d'ailleurs estimé le président de l'UMP Nicolas Sarkozy. LA TURQUIE, "LOIN DU TERME" DE SON "EFFORT" "La question qu'il faut se poser, c'est : est-ce que l'Europe, et notamment la France, ont ou non intérêt à ce que la Turquie les rejoigne ? Ma réponse est oui, si", a déclaré le chef de l'Etat. "Oui, si la Turquie remplit naturellement la totalité des conditions qui s'imposent à tout candidat à notre union", a-t-il ajouté. Pour justifier sa position, Jacques Chirac a invoqué "la paix et la stabilité", "l'enracinement de la démocratie" et le "développement économique et social". Un rejet de la Turquie représenterait "certainement un risque d'instabilité, d'insécurité à nos frontières", a-t-il dit. Toutefois, a-t-il observé, la Turquie qui a fait "un effort considérable" pour se rapprocher de l'UE, est "loin du terme de cet effort" pour se conformer aux règles et aux valeurs européennes. Jacques Chirac a aussi insisté sur la longueur des négociations d'adhésion ("10 ans, 15 ans, 20 ans") et sur le droit de chacun des 25 membres de l'UE de "tout arrêter" à tout moment. Sans faire explicitement de la reconnaissance du génocide arménien une condition d'adhésion, il a demandé à la Turquie d'accomplir "un effort de mémoire important". En France, a-t-il noté, cette reconnaissance, "c'est la loi". En avril dernier, il avait jugé qu'il s'agissait d'une question "bilatérale" entre la Turquie et l'Arménie. Cette question est très sensible en France où vit une communauté arménienne de 300 à 400 000 personnes. "Le drame" qu'elle a vécu "doit être respecté", a dit le chef de l'Etat. REJET DU "PARTENARIAT PRIVILÉGIÉ" Il a rejeté l'idée d'un partenariat privilégié UE-Turquie, réclamé par beaucoup de responsables politiques en France. Les Turcs "n'accepteront jamais" une telle solution après avoir consenti "des efforts aussi considérables" en direction de l'Europe. Répondant à ceux qui craignent de voir un pays musulman de 70 millions d'habitants rejoindre le grand ensemble européen, il a fait valoir que la Turquie était "un pays laïc" depuis 1923 et mis en garde contre "la guerre des religions, des civilisations, des cultures". Jacques Chirac a également justifié sa volonté de voir l'UE accueillir la Turquie par des considérations historico-géographiques. De tout temps, la Turquie "a été à la recherche d'un choix entre l'Asie et l'Europe", a-t-il dit. "Notre intérêt, c'est qu'elle penche vers l'Europe" et ses valeurs, "et non pas vers l'Asie" au risque de "générer de l'instabilité ou de l'insécurité pour l'Europe". Le président de la République a répété qu'en tout état de cause, les Français auraient "le dernier mot" à l'issue des négociations, confirmant que la Constitution serait réformée pour rendre obligatoire un référendum sur la question. Evoquant par ailleurs la ratification de la Constitution européenne, il n'a pas précisé la date du référendum, mais a souhaité qu'il ne soit pas "détourné de sa vocation" par des considérations de politique politicienne.