Annonce Le "oui mais" de Chirac à la candidature de Sarkozy à l'UMP PARIS - Le président Jacques Chirac a fait savoir jeudi qu'il ne s'opposerait pas à la candidature de Nicolas Sarkozy à la présidence de l'UMP mais à condition que le ministre de l'Economie quitte le gouvernement. C'est ce que le chef de l'Etat, selon son entourage, a dit mardi soir à Nicolas Sarkozy à l'Elysée. "L'entretien s'est très bien passé. Le président de la République a rappelé des principes simples qui s'imposent à chacun et notamment à tous les ministres", a-t-on déclaré. "Premièrement, chacun est libre, en responsabilité, d'être candidat à la présidence de l'UMP. Deuxièmement, un ministre ne peut pas être en même temps président du principal parti de la majorité." Selon d'autres sources, parlementaires et gouvernementales, Jacques Chirac aurait dit à Nicolas Sarkozy que la question de son maintien au gouvernement se poserait s'il succédait à Alain Juppé à la présidence de l'UMP et qu'il fallait y "réfléchir". "Ils ont discuté entre eux, les problèmes ont été posés", a pour sa part expliqué le ministre délégué à l'Industrie, Patrick Devedjian, sur la Chaîne parlementaire (LCP) et France Info. C'est la première fois que l'Elysée fait publiquement connaître la position du chef de l'Etat, alors que les fidèles de Jacques Chirac, généralement hostiles à une reprise en main de l'UMP par Nicolas Sarkozy, s'efforcent depuis plusieurs mois de le dissuader de briguer la succession d'Alain Juppé. A deux jours d'un conseil national de l'UMP, si des "sarkozystes" y ont vu un signe de "décrispation", d'autres ont estimé qu'il était difficile de considérer la position de l'Elysée comme un véritable "feu vert", tant elle impose un dilemme difficilement acceptable à Nicolas Sarkozy . "Je ne suis pas sûr qu'on aurait appliqué ces arguments à Alain Juppé il y a quelque temps", a ainsi déclaré le député du Vaucluse Thierry Mariani. "Cela donne l'impression d'arguments de circonstance. Je ne suis pas persuadé qu'ils soient appréciés par les militants, qui veulent à la fois que Nicolas Sarkozy soit à la tête de l'UMP pour lui donner un nouveau souffle et qu'il continue son boulot au gouvernement." "Le gouvernement n'est pas en superforme. Il serait aberrant de se priver d'un de ses meilleurs éléments", a-t-il ajouté. "C'est comme si on disait que Zinedine Zidane peut être entraîneur de l'équipe de France de football mais alors il faut qu'il arrête de jouer. Ça affaiblirait l'équipe de France." Un avis partagé par Pierre Méhaignerie, président de la Commission des finances de l'Assemblée nationale. SILENCE DANS L'ENTOURAGE DE SARKOZY "C'est au gouvernement de réfléchir car sa présence au ministère de l'Economie et des Finances est quand même un facteur de solidité du gouvernement", a-t-il dit. "Je suis tenté de penser qu'il n'y a pas vraiment de contradiction compte tenu de l'habitude de l'homme de faire des journées de 14 heures." L'entourage immédiat du ministre de l'Economie s'est pour sa part cantonné dans un mutisme prudent. L'Elysée semble faire un distingo avec le cas du Premier ministre, officiellement chef de la majorité et qui pourrait donc à se titre présider l'UMP, de même que Jacques Chirac et Alain Juppé ont été à la fois à Matignon et présidents du RPR. Ce qu'a confirmé Bernard Accoyer, président chiraquien du groupe UMP à l'Assemblée. "Lorsqu'on est à Matignon et que l'on préside un parti important, on est en quelque sorte à un poste symbolique", a-t-il expliqué. "Or l'UMP a besoin de quelqu'un qui soit en permanence à disposition du parti." Il s'est réjoui de la "clarification" apportée par l'Elysée et de ce "qu'il y ait à l'UMP de nombreuses personnalités qui puissent prétendre à présider cette formation politique". Pour Patrick Devedjian, proche de Nicolas Sarkozy, qui "ressemble beaucoup", selon lui, à Jacques Chirac" par son "dynamisme", le distingo ministre-Premier ministre ne tient pas. "Je ne vois pas pourquoi Nicolas Sarkozy n'arriverait pas à le faire alors que d'autres l'ont fait", a-t-il dit. "Alain Juppé l'a fait comme président du RPR et Premier ministre. Jacques Chirac a réussi à être Premier ministre, maire de Paris et président du RPR (...) Il y a encore de la marge." "Personne n'accepterait qu'on fasse des règles qui soient uniquement destinées à embêter Nicolas Sarkozy", a-t-il averti. "Plus on donne aux militants l'impression qu'on ne veut pas de lui, plus ils en voudront", a renchéri Thierry Mariani. Interrogé après un déjeuner avec le président du Sénat, le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin a pour sa part lancé une mise en garde contre toute interprétation, dans un sens ou dans un autre, des déclarations de l'Elysée. "Il faut laisser aux propos leur exact message", a-t-il dit. "Toute interprétation supra ou infra serait non-pertinente." Le ministre de l'Intérieur, Dominique de Villepin, fidèle de Jacques Chirac, a pour sa part déclaré qu'il n'était "pas sûr que l'on fasse toujours parler le président de la République à bon escient". A deux jours de la tenue d'un Conseil national élargi de l'UMP sur l'organisation du parti chiraquien, le débat sur la succession d'Alain Juppé semble en tout cas relancé. Les amis de Nicolas Sarkozy multiplient les appels au ministre de l'Economie pour qu'il prenne la présidence de l'UMP. Lui-même a fait savoir qu'il attendrait le départ d'Alain Juppé pour faire connaître publiquement sa décision. Alain Juppé, condamné fin janvier dans une affaire d'emplois fictifs au profit du RPR, doit démissionner à la mi-juillet. Le congrès qui doit élire son successeur est prévu en novembre.
