Changement Le Musée Guggenheim de New York change de tête Thomas Krens, qui dirigeait depuis dix-sept ans le Solomon R. Guggenheim Museum de New York, sera remplacé, le 1er octobre, par Lisa Dennison, actuelle conservatrice en chef. Thomas Krens conservera toutefois la direction de la Fondation Guggenheim, qui gère les antennes extérieures de la célèbre institution new-yorkaise, bâtie en 1959 par l'architecte américain Frank Lloyd Wright (1867-1959). M. Krens a largement contribué à créer ces antennes. Hormis le Guggenheim de Venise, fondé par Peggy Guggenheim, la nièce de Solomon, le musée s'est étendu à son initiative dans le monde avec, comme point fort, la construction en 1997 du Guggenheim Bilbao par l'architecte américain Frank Gehry. Une réussite sans précédent, qui efface la position moins brillante des satellites de Berlin, voire l'échec d'autres tentatives comme le musée ouvert, puis fermé, dans un casino de Las Vegas, ou des annonces restées à l'état de projet comme Rio de Janeiro, Taïpeh, Singapour ou Guadalajara. Sous la houlette de M. Krens, le musée s'est aussi associé à l'Ermitage de Saint-Pétersbourg pour des présentations croisées de leurs collections. Une alliance qui a permis l'organisation de l'actuelle exposition "Russia !", inaugurée mercredi 21 septembre à Manhattan, par le président Vladimir Poutine. Mais cette boulimie d'ouvertures de succursales étrangères a provoqué de vives tensions avec certains administrateurs du Guggenheim. Le 19 janvier, Peter B. Lewis, un des principaux donateurs du musée, avait reproché à M. Krens d'être plus intéressé par la construction de satellites que par la programmation et le budget du vaisseau amiral new-yorkais. Ne parvenant pas à obtenir du conseil d'administration le départ de M. Krens, il avait lui-même démissionné (Le Monde du 24 janvier 2005). Dans un éditorial aigre-doux, le Wall Street Journal du 22 septembre rappelait les trois points qui ont fait de M. Krens une personnalité aussi brillante que contestée du monde des musées : il fut le premier, avec l'antenne de Bilbao, à penser que l'architecture est un instrument de marketing plus qu'un bâtiment destiné à abriter des collections. ART ET COMMERCE Deuxièmement, il aurait porté la pratique du "deaccessioning", cette faculté qu'ont les musées américains à revendre des oeuvres de leurs collections pour en acheter de nouvelles, à des niveaux jamais atteints par ses prédécesseurs. En vendant des Kandinsky et des Brancusi pour acheter la collection d'art minimal du comte Panza di Biumo, par exemple. Troisièmement, il aurait brisé la barrière érigée par les conservateurs entre musées d'art et commerce, en favorisant une exposition à la gloire d'un fabricant de motocyclettes (un des plus grands succès publics du musée), ou d'un couturier, Armani, qui injecta 15 millions de dollars de donation dans les caisses du Guggenheim. L'éditorialiste espère que la future gouvernance de Lisa Dennison (âgée de 52 ans) sera davantage centrée sur les missions culturelles du Guggenheim. Elle en a les capacités : diplômée d'histoire de l'art et de français, elle a rejoint le Guggenheim en 1973 et, en vingt-sept ans de maison, a contribué à l'organisation de plusieurs expositions qui ont fait date, dont la récente installation monumentale de Daniel Buren (Le Monde du 2 avril).