Fermeture Le Musée des arts et traditions populaires ferme ses portes On ferme ! L'ultime exposition du Musée des arts et traditions populaires (ATP), "Lumières sur les ATP", est un hommage crépusculaire à l'institution et à son créateur : Georges-Henri Rivière (1897-1985). L'établissement, créé en 1936 au Trocadéro, installé dans un nouvel édifice en 1969, officiellement inauguré en 1972, doit quitter le bois de Boulogne pour le Vieux-Port de Marseille. Et sera doté d'un programme différent, que révèle sa nouvelle identité : Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (Mucem). A Paris, l'austère bâtiment noir dessiné par l'architecte Jean Dubuisson devra trouver un nouveau locataire. En attendant, les visiteurs sont invités à redécouvrir les 2 450 m2 de la galerie culturelle telle que l'avait conçue Georges-Henri Rivière, un projet novateur, une grande idée qui s'est éteinte dans l'indifférence générale au bout d'une génération, faute d'avoir su évoluer. Elle est dans son état d'origine, ponctuée de quelques panneaux explicatifs pour en éclairer le concept : les objets de la"civilisation matérielle" rassemblés ici, récoltés dans toutes les régions de l'Hexagone, sont les révélateurs de l'histoire sociale du pays. Il s'agit d'une France rurale d'où la ville et l'industrie sont pratiquement exclues. Ces mille et un témoins sont présentés, dans des vitrines, le long d'un couloir. Ils sont regroupés autour d'un thème : la chasse, la cueillette, l'élevage, de la vigne au vin, de la toison à la vêture. Suspendus à d'invisibles fils de Nylon, ils flottent dans l'air. On y voit un costume de gardian désincarné, assis sur une selle en lévitation ; un berger, son âne et ses moutons sont réduits à une pèlerine, un bas et une douzaine de sonnailles accrochées dans le vide. Nous sommes ici sur les terres de l'homme invisible. Sa présence se fait sentir partout. Il faut suggérer plutôt que montrer, soutenait Georges-Henri Rivière, qui craignait les reconstitutions hasardeuses et racoleuses. Pourtant, sept"unités écologiques" permettent de retrouver un "milieu" dans sa totalité. C'est ainsi que l'atelier de Désiré Louvel, tourneur sur bois dans le Maine, au début des années 1950, s'est retrouvé ici au grand complet. Il suffit d'appuyer sur un bouton pour assister à un mini-son et lumière, qui en détaille le contenu - en l'absence de son propriétaire. Mais il s'agit également d'évoquer "les coutumes et les croyances qui impriment des temps forts dans le rythme biologique de la vie de l'homme et le rythme agraire de l'année". Quelques objets rappellent donc que la religion est, ou a été, un de ces "temps forts" : vierge de Lourdes, ex-voto, crèche de Noël, bannières de confréries religieuses, matériel de voyance, tout est mis sur le même plan. Ainsi traitée, la religion fait toujours référence à un passé archaïque d'origine païenne qui permet d'évoquer subrepticement le catholicisme - protestantisme, judaïsme et bien sûr islamisme n'ont pas droit de cité. "LIEUX PÉTRIFIÉS" Georges-Henri Rivière est dans le droit-fil du sociologue Marcel Mauss (1873-1950), qui affirmait que ce sont "les objets de la vie quotidienne et pas de l'art (savant) qui révèlent la fonction et la structure de toute société". Aujourd'hui, cette distinction entre art savant et art populaire est largement remise en cause. Quant au culte exclusif de la civilisation matérielle, il avait déjà été contesté par le folkloriste Arnold Van Gennep (1873-1957), qui estimait, avant même l'ouverture des ATP, que les musées étaient des "lieux pétrifiés". Les musées et notamment ceux de société - du Musée dauphinois de Grenoble, au Musée ethnographique de Neufchâtel ont pourtant évolué à partir des années 1980. Mais les ATP, délaissés, pour des raisons diverses, à l'orée du bois de Boulogne, embaumés par les gardiens du culte de Georges-Henri Rivière, sont restés à l'écart du mouvement. Ils ont fini par dépérir. L'exposition se termine par des maquettes et des plans du futur Mucem, situé face à la mer, au pied du fort Saint-Jean de Marseille. Le projet, mollement soutenu par le ministère de la culture, enjeu politique à géométrie variable pour les collectivités sur le territoire desquelles il doit s'installer (ville de Marseille, département des Bouches-du-Rhône et région Provence-Côte d'Azur), avance lentement. A ce rythme, les portes du Mucem ne devraient pas ouvrir avant 2010. Alors que, à Bruxelles et à Berlin, d'autres musées de l'Europe sont en gestation.