Ouverture "Le Monde" ouvre ses portes au public D'une journée à l'autre : vingt et un ans de la vie de notre, de votre journal. Hier, c'est-à-dire le 30 novembre 1985, nous étions encore dans l'immeuble "historique", qui était celui du Temps, rue des Italiens, dans des locaux et avec des machines confisqués à la Libération et confiés aux bonnes mains d'Hubert Beuve-Méry et de l'équipe qui l'entourait. Cette première journée "portes ouvertes" avait été organisée pour accompagner la naissance de la Société des lecteurs, elle-même composante essentielle d'un dispositif de sauvetage d'un Monde qui venait de subir une quasi-faillite. "Le Monde" en dix dates 1944 : Le premier numéro du Monde paraît le 18 décembre sur une seule page. Hubert Beuve-Méry est le principal fondateur. 1951 : La Société des rédacteurs est créée en octobre. 1956 : Le Monde devient propriétaire de ses rotatives et de ses murs. 1969 : Jacques Fauvet devient directeur du journal. L'année précédente, deux sociétés de personnel ont vu le jour (cadres et employés). 1982 : André Laurens arrive à la direction dans un contexte difficile. 1985 : André Fontaine prend sa suite et relance le journal. La première journée portes ouvertes est organisée le 30 novembre. 1991 : Jacques Lesourne devient directeur du quotidien. C'est la première fois qu'une personnalité non issue de la rédaction occupe ce poste. 1994 : Jean-Marie Colombani devient le sixième directeur du Monde en mars. L'entreprise passe de SARL à SA à directoire et conseil de surveillance. Le nouveau directeur lance le défi du "nouveau Monde". 2004 : Après plusieurs années de succès éditorial et financier, Le Monde n'échappe pas au bouleversement médiatique (Internet et journaux gratuits). Lancement du Monde 2. 2005 : Une nouvelle formule voit le jour le 7 novembre, pour mieux répondre aux attentes des lectrices et des lecteurs. [-] fermer Pratique Puis nous partîmes rue Falguière (15e arrondissement), après la vente de l'immeuble de la rue des Italiens - autre élément du redressement conduit alors par André Fontaine. Après la rue Falguière, ce fut la rue Claude-Bernard, dans le 5e, déménagement lui aussi justifié par les difficultés économiques, à savoir la quasi-faillite du début de l'année 1994. Et dix ans plus tard, en plein coeur d'une nouvelle crise, à la fois semblable et profondément différente, nous fîmes mouvement vers le boulevard Auguste-Blanqui, où nous nous préparons à vous accueillir. Non sans fierté : celle d'avoir préservé le journal à travers tant de vicissitudes, tant de difficultés, de pressions de tous ordres, celle d'être à même aujourd'hui d'affronter l'avenir, c'est-à-dire de prendre part à la révolution qui touche nos métiers, notre profession, l'univers des médias en général, celui de la presse écrite de qualité en particulier. De ce point de vue, le choix de l'immeuble du boulevard Auguste-Blanqui, repensé et restructuré selon les dessins de Christian de Portzamparc, est un symbole de la confiance qui nous anime, qu'il s'agisse de nos capacités à surmonter les difficultés actuelles ou de celles dont nous aurons besoin pour définir le futur du groupe de presse que nous avons fait naître autour du Monde. La façade, animée par un hymne de Victor Hugo à la liberté de la presse, entouré de deux colombes pacificatrices dessinées par Plantu, fait figure d'étendard et d'acte de foi dans un métier, le journalisme. Créer un groupe de presse était la seule façon, si nous voulions rester indépendants, de répondre à l'enseignement de cinquante ans d'histoire, faite de retournements de cycles, ponctués par des situations économiques catastrophiques : en 1994, le journal était à vendre, avait atteint l'un des plus bas niveaux de diffusion et était menacé d'être rattrapé par un concurrent plus jeune. Sachant que nous n'avons, en économie, qu'une seule certitude - les cycles se retournent -, il fallait, passé la phase de la relance du quotidien et du redressement de l'entreprise, engager le développement afin que la pérennité du journal ne soit pas menacée lorsque se produirait le prochain retournement. C'est fait, le groupe est constitué, fort de trois entités : l'une de presse nationale, autour du quotidien et de son imprimerie, l'autre de presse régionale, autour des journaux du Midi, la troisième de presse magazine, autour de Télérama, avec notamment La Vie, Courrier international et des journaux pour enfants ; fort également d'un développement sur le Net, avec le Monde interactif (qui édite lemonde.fr), qui nous met en très bonne place sur ce qui sera le média dominant du futur. Malgré la conjonction brutale à laquelle nous avons dû faire face dans les années 2003-2005 (réduction de moitié de la recette publicitaire, fort recul de la vente au numéro), le journal a pu se relancer autour d'une formule rénovée, dans une forme et avec une qualité adaptées aux défis que nous devons affronter. Ces défis ne sont pas propres au Monde et affectent toute la presse. Ils sont induits par les bouleversements des technologies et des comportements, qui nous font vivre dans un flux continu et massif d'informations indifférenciées disponibles gratuitement et sur une multitude de supports, tandis que nos sociétés se complexifient. Le modèle sur lequel se sont construites et développées des entreprises de presse est obsolète ; le modèle de demain commence à se dessiner : se pose, pour quelques années encore, la question du financement de cette transition. Nous avons toujours considéré que celui-ci ne pouvait provenir que d'un actionnariat diversifié, appuyé sur des partenaires de presse français (Lagardère) ou européens (Prisa, Stampa) de nature à aider à notre propre diversification, à des partenaires ayant tous en commun l'idée que Le Monde et son groupe n'ont d'autre vocation que d'éditer et de développer des journaux librement, hors de toute influence capitalistique ou politique. Aucun des mouvements de refinancement que nous avons opérés n'a enfreint le dogme de l'indépendance. Mais le principal défi est éditorial. Hier, les entreprises de presse vivaient d'un monopole : celui des journalistes sur l'information. Désormais, l'information appartient à tout le monde, tend à être produite par tout un chacun, individu ou entité économique ; bref, les journalistes ont perdu leur monopole ; ils doivent donc s'attacher, chaque jour, à relégitimer leur intervention par la qualité, la rigueur, la fiabilité, en un mot le professionnalisme de leur travail. Seule la qualité de l'information produite, sa validation par un journal, garantissant le sérieux du travail des journalistes, assurant le lien de confiance avec vous, nous permettra d'être partie prenante d'un monde dominé par l'information. Nous avons confiance, nous comptons sur la vôtre.