Annonce Le Mexique est tiraillé entre les Etats-Unis et l'Amérique latine La secrétaire d'Etat, Condoleezza Rice, a choisi Mexico pour son premier déplacement dans un continent qui s'est senti négligé par Washington. Le Mexique ne veut pas laisser au Brésil le leadership de la région. Les Latino-Américains espèrent avoir un meilleur accès au marché américain.Condoleezza rice a choisi Mexico pour son premier déplacement en Amérique latine, jeudi 10 mars, depuis qu'elle a pris ses fonctions de secrétaire d'Etat. A l'ordre du jour : le prochain sommet de l'Accord de libre-échange nord-américain (Alena) qui doit réunir les Etats-Unis, le Mexique et le Canada, au Texas, le 23 mars. Le goût des présidents George Bush et Vicente Fox pour les bottes texanes n'a pas empêché l'ex-patron mexicain de Coca-Cola de se situer dans le camp du refus de la guerre en Irak. Désormais, les deux pays se disputent au sujet du trafic de drogue. Les Mexicains s'offusquent de voir l'impératif sécuritaire polluer leurs relations.Face à un partenaire aussi puissant, la diplomatie mexicaine cherche à retrouver ses marques dans la région, à devenir le passage obligé entre les Etats-Unis et l'Amérique latine. Pour tenter de dépasser son environnement immédiat, l'Amérique centrale, le Mexique n'a pas hésité à demander une adhésion au Mercosur, l'union douanière fondée par l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay.Le leadership de Brasilia embarrasse Mexico, qui n'entend pas renoncer à la place réservée à l'Amérique latine dans une future réforme du Conseil de sécurité. Le Brésil a une bonne longueur d'avance, car il participe aux missions de paix de l'ONU, comme en Haïti. Pour se justifier, le ministre mexicain des relations extérieures, Luis Ernesto Derbez, invoque la Constitution, qui empêcherait l'engagement de troupes à l'étranger. Le même texte était pourtant en vigueur lorsqu'une escadrille mexicaine lutta du côté allié pendant la seconde guerre mondiale.Plutôt qu'une entrave légale, il faudrait évoquer la difficulté à trouver un consensus entre les trois grands partis et auprès de l'opinion publique pour prendre le relais des Etats-Unis en Haïti. Cette difficulté de la diplomatie mexicaine à trouver sa place, voire son identité, explique peut-être pourquoi la candidature de M. Derbez au poste de secrétaire général de l'Organisation des Etats américains (OEA) ne décolle pas.L'OEA est acéphale depuis quatre mois, depuis la démission de l'ex-président costaricain Miguel Angel Rodriguez, rattrapé par les "affaires". La crise de l'organisation interaméricaine révèle la distance qui s'est creusée entre Washington et l'"hémisphère". Le "virage à gauche" sud-américain n'en est pas la cause. Le département d'Etat est soulagé de voir le rôle de stabilisateur sans cesse joué par le Brésil du président Lula auprès du Venezuela ou de la Bolivie.RELANCE DE L'ALCALes Latino-Américains ont apprécié l'affectation de Robert Zoellick auprès de Condoleezza Rice. Le ministre brésilien des relations extérieures, Celso Amorim, a noué des rapports de confiance avec l'ancien représentant américain au commerce, son interlocuteur pendant les négociations de l'Accord de libre commerce des Amériques (ALCA), le projet continental lancé par Bill Clinton. "Bob Zoellick connaît l'Amérique latine, ce qui n'est pas le cas de Condoleezza Rice", pointe un des négociateurs. Ce choix est interprété comme le signe d'une relance de l'ALCA, après la parenthèse de l'élection américaine."Nous avons besoin d'un meilleur accès au marché américain, explique Maurice Costin, au Centre des industries de l'Etat de Sao Paulo : nos exportations vers l'Union européenne sont importantes, mais les Etats-Unis achètent nos produits industriels, qui ont plus de valeur ajoutée." Homme de confiance du président Lula, le ministre José Dirceu a fait le voyage de Washington, le 3 mars, pour assurer la secrétaire d'Etat de l'intérêt du Brésil à reprendre les négociations de l'ALCA. Brasilia ne voudrait pas que le Mercosur reste à l'écart des tractations commerciales, alors que les petits pays négocient des accords bilatéraux."Nous préférons un ALCA avec tout le monde", a déclaré le président dominicain, Leonel Fernandez, de passage à Paris, lundi. Avant d'ajouter : "Si ce n'est pas possible, à cause de l'impasse avec le Mercosur, nous sommes obligés de nous assurer de toute façon l'accès au marché des Etats-Unis."Voix discordante, le président du Venezuela, Hugo Chavez, prétend que "l'ALCA est mort". Lors d'une brève visite à Paris, mercredi, M. Chavez a qualifié l'ALCA de "projet néocolonial, destiné à engloutir l'Amérique latine". En guise d'alternative, il propose une "Alliance bolivarienne pour l'Amérique latine" (ALBA, "aube", en espagnol). Cuba est le seul pays qui soutient ce projet d'ALBA.
