Annonce Le Mexique critique le projet américain de "mur" frontalier entre les deux paysUn mur menace les relations entre les Etats-Unis et le Mexique, toujours délicates en dépit de l'intégration des deux pays voisins au sein de l'Accord de libre-échange nord-américain (Alena). A Washington, la Chambre des représentants a adopté, le 16 décembre 2005, une loi sur la protection des frontières, la lutte contre le terrorisme et l'immigration illégale qui doit faire l'objet d'un vote au Sénat en février. Entre autres mesures, cette loi, d'origine républicaine, prévoit la construction d'un "mur" de 1 130 km pour mieux "verrouiller" la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique.Le 9 janvier, lors d'un sommet régional, Mexico a fédéré les protestations de toute l'Amérique centrale, visée par cette chasse à l'immigré illégal. S'ajoutant au nombre croissant de clandestins qui trouvent la mort dans le désert de l'Arizona en tentant de gagner les Etats-Unis, à la création de milices de volontaires armés postés côté américain, ce projet de mur a soulevé l'indignation."Il n'y a pas de mur", assure Thomas Shannon, nouveau secrétaire d'Etat adjoint pour l'Amérique latine, de passage à Paris le 2 février. Nommé en octobre 2005, ce diplomate de carrière remplace Roger Noriega, proche du lobby cubain de Miami, tenu pour responsable de la distance qui s'est creusée entre Washington et l'Amérique latine sous la présidence de George Bush. Face au tollé suscité au sud du Rio Grande, les Américains préfèrent parler de "structure de haute technologie pour surveiller la frontière".Le ministre des relations extérieures du Mexique, Luis Ernesto Derbez, également de passage à Paris, n'est pas rassuré pour autant. "En dépit de la présence du crime organisé et des trafiquants de drogue, les migrations relèvent du marché du travail et ne peuvent pas être réduites à une logique sécuritaire", affirme le ministre. "Lorsque M. Shannon déclare qu'il n'est pas question de construire un mur, il reflète peut-être la position de l'administration Bush, ajoute-t-il, mais la loi en cours d'examen au Congrès américain parle bien d'un mur, même si la Maison Blanche ne lui a pas encore donné son aval."Un million de Mexicains et 350 000 Centraméricains tentent d'entrer frauduleusement aux Etats-Unis chaque année, alors que 1,2 million de personnes franchissent la frontière chaque jour en toute légalité. "Mexico et Washington partagent une responsabilité commune sur la frontière. Aucune décision ne peut être prise de manière unilatérale : la solution passe par la coopération entre les deux pays", plaide M. Derbez. "Même si la Maison Blanche ne veut pas entendre parler d'amnistie, il faut trouver un moyen pour régulariser les millions d'immigrés sans papiers vivant aux Etats-Unis, dont beaucoup sont mexicains", poursuit-il. Selon lui, le permis de travail temporaire proposé par George Bush peut servir pour les nouveaux arrivants, mais ne règle pas la question.DOSSIER RETARDÉLes attentats du 11 septembre 2001 contre New York et Washington ont retardé singulièrement ce dossier, qui était la priorité de la diplomatie mexicaine au début de la présidence de Vicente Fox (droite).Malgré l'opposition du Mexique à la guerre d'Irak, M. Fox a été traité de "toutou de l'empire" américain par son homologue vénézuélien Hugo Chavez, après le sommet des Amériques, à Mar del Plata (Argentine), en novembre 2005. "Les ambassadeurs ont été rappelés, certes, mais nos relations avec le Venezuela n'ont pas souffert", assure le ministre mexicain, avant d'ajouter : "La démocratie favorise l'avènement de gens qui ont sans doute une autre façon d'envisager la diplomatie. Mais regardez les affrontements suscités en Europe par les différences économiques ou politiques... Tout cela est très normal, il ne faut pas dramatiser outre mesure.""Les deux précédents gouvernements mexicains se sont détournés de l'Amérique latine à cause de l'Accord de libre-échange nord-américain", explique M. Derbez. "En revanche, poursuit-il, nous avons renoué avec notre environnement naturel, l'Amérique centrale, grâce à l'intégration régionale en cours sur le plan de l'énergie et des transports. Nous avons établi une alliance stratégique avec le Chili et nous voulons rallier le Mercosur (l'union douanière sud-américaine). Mais nos droits de douane sont plus bas ; nous n'allons pas les augmenter pour adhérer à un bloc régional ! En tout cas, le Mexique s'est rapproché de l'Amérique du Sud."
