Annonce Le message de Florence Aubenas, l'allusion à Didier Julia Le député UMP Didier Julia avait mené une mission parallèle en Irak fin septembre et début octobre pour tenter de faire libérer les journalistes Christian Chesnot et Georges Malbrunot. Cette initiative, qui avait échoué, avait été catégoriquement condamnée par les autorités françaises. Depuis, M. Julia dit avoir mis en sommeil ses réseaux et contacts dans la région. Si le gouvernement français "me demande de participer à la recherche et de renouer des contacts, je peux rallumer ces contacts et remettre ces circuits en fonction", a-t-il déclaré, réaffirmant qu'il était "à la disposition du gouvernement". La journaliste de Libération Florence Aubenas, disparue le 5 janvier avec son guide irakien à Bagdad, a appelé au secours dans une cassette vidéo obtenue, mardi 1er mars, en Irak, où elle apparaît avec un visage amaigri et hagard. "Mon nom est Florence Aubenas. Je suis journaliste française. Je suis journaliste de Libération. Je suis en mauvaise santé et je suis en mauvaise santé psychologique aussi", a lancé en anglais l'envoyée spéciale du quotidien dans cette cassette qui dure moins d'une minute. "Je lance un appel au député français Didier Julia. S'il vous plaît, M. Julia, aidez-moi. C'est urgent, aidez-moi", a-t-elle ajouté. Aucune revendication n'accompagnait cette cassette, ni le nom du groupe qui la détient. QUEL POURRAIT ÊTRE LE RÔLE DE DIDIER JULIA ? On s'interroge sur le rôle que pourrait jouer M. Julia. En effet, le député UMP avait mené en septembre une démarche parallèle visant à sauver les journalistes Christian Chesnot et Georges Malbrunot, enlevés en Irak en août 2004 et libérés le 21 décembre après quatre mois de captivité. Cette initiative, qui avait échoué, avait été catégoriquement condamnée par les autorités françaises. M. Julia fait l'objet d'une information judiciaire depuis décembre, à la suite du fiasco de cette initiative. Dans une déclaration à l'AFP à Paris, mardi, le député a demandé à l'Etat français de lui rendre sa "liberté d'action" après sa mise en cause dans la précédente affaire d'otages. Il a indiqué qu'il se tenait "à la disposition du gouvernement pour toute initiative qu'il jugera utile". M. Julia répondait ainsi au "souhait" du gouvernement, rapporté par le président du groupe UMP à l'Assemblée, Bernard Accoyer, que M. Julia ne prenne pas d'"initiative personnelle" dans cette affaire, mais qu'il "se tienne à la disposition du gouvernement, comme tout parlementaire dans une situation aussi grave que celle-ci". Plus tard, sur TF1, Didier Julia a estimé que les ravisseurs de Florence Aubenas sont probablement des gens qui le connaissent, et qu'il connaît. "Ce sont les ravisseurs qui la détiennent qui lui ont demandé de citer mon nom", a-t-il affirmé. Selon lui, ces ravisseurs sont "certainement des nationaux, pas du tout des mafieux, des résistants qui défendent la cause nationale irakienne". "Depuis quarante ans que je fréquente l'Irak, je connais beaucoup de monde, mais depuis le 23 décembre", après la libération de Georges Malbrunot et Christian Chesnot, "j'ai interrompu tout contact avec eux et par conséquent les circuits sont éteints", a-t-il souligné. Si le gouvernement français "me demande de participer à la recherche et de renouer des contacts, je peux rallumer ces contacts et remettre ces circuits en fonction", a-t-il ajouté. Interrogé sur une éventuelle implication de la Syrie dans l'affaire Aubenas, M. Julia a répondu qu'il "ne le pensait pas". "Les Syriens sont traditionnement des amis de la France", a-t-il noté. "RETIRER SA PLAINTE" Par ailleurs, dans une interview parue mercredi dans Le Parisien, le député demande au ministre des affaires étrangères français, Michel Barnier, de "retirer sa plainte" contre lui. Le premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, a déclaré de son côté que les autorités françaises étaient "très préoccupées par la situation" de Florence Aubenas "et très mobilisées pour obtenir [sa] libération". Lors d'un point de presse, M. Raffarin a indiqué que l'enregistrement de la cassette vidéo était actuellement en cours d'"expertise". "Nous avons déjà eu un document vidéo la semaine passée" qui a été montré à la famille, a-t-il ajouté. "Le laboratoire expertise ce deuxième document pour savoir s'il est antérieur ou postérieur", a-t-il poursuivi. "Depuis le début de cette affaire, nous avons eu beaucoup d'interférences", a-t-il dit, en soulignant : "L'ensemble des communications qui nous sont faites ne sont pas d'ordre politique." "Elle est vivante, et c'est la chose essentielle, mais maintenant il faut négocier et faire vite", a déclaré de son côté Jacqueline Aubenas, la mère de la journaliste, à Toulouse, avant de participer à une soirée de soutien qui a réuni plus de 1 500 personnes à la Halle aux grains, amis de la journaliste, élus, artistes, journalistes. VIVE ÉMOTION Dans la cassette diffusée mardi, Florence Aubenas est apparue très éprouvée et fatiguée. Amaigrie, les traits creusés, les cheveux lui tombaient sur les yeux. Assise devant un fond couleur bordeaux, elle portait un sweat-shirt qui semblait sale, tout comme son visage hagard qui portait des traces grises. "Dire qu'elle est forte, c'est vrai, mais les forts ont des fragilités", a poursuivi Jacqueline Aubenas, qui a confirmé avoir visionné jeudi 24 février une cassette vidéo montrant des images de sa fille, avant celle diffusée mardi. Dans cette première cassette, "Florence était vraiment fatiguée, comme en service commandé, avec une mise en scène volontairement douloureuse : certainement assise par terre, les genoux repliés, les mains sur les genoux, avec une djellaba noire qui ne lui appartient pas, un grand pull, devant un drap noir, les cheveux dans les yeux, sans regard, sans sourire, avec une voix mécanique qui lisait un communiqué", a rapporté Mme Aubenas. Dans ce communiqué, Florence Aubenas disait : "Je m'appelle Florence Aubenas, je suis née [à telle date], je ne vais pas bien, mes conditions de détention ne sont pas bonnes, aidez-moi." Répondant à un journaliste qui lui demandait si elle avait un message à adresser à sa fille, Mme Aubenas a lancé : "Florence, je voudrais qu'on te rende à ta vie." Le patron de Libération, Serge July, s'est de son côté dit "bouleversé" après avoir vu la cassette qui, selon lui, ne fait pas de M. Julia "un interlocuteur légitime". La journaliste française a souvent couvert des zones de conflit. Elle a ainsi travaillé en Algérie, au Rwanda, au Kosovo, en Bosnie, en Afghanistan et en Irak. Une journaliste italienne du quotidien indépendant Il Manifesto, Giuliana Sgrena, a elle aussi été enlevée à Bagdad, le 4 février, pratiquement un mois après Florence Aubenas. Une cassette vidéo de Mme Sgrena avait été diffusée le 16 février : la journaliste, en larmes, demandait le retrait des troupes étrangères de ce pays.