Inauguration Le mémorial arménien à bon port Le monument du génocide a été inauguré dans le calme hier à Lyon. Certains, riverains et politiques, craignaient que le monument ne soit «trop visible». Ils ont dû être rassurés. Hier, en fin de journée, on ne voyait quasiment plus les trente-six fines feuilles de béton blanc qui composent le mémorial du génocide arménien, place Antonin Poncet, en plein centre ville de Lyon. Trop de monde autour. Massées dans un silence souvent embué de larmes, près de deux mille personnes sont venues assister à la cérémonie d'inauguration du mémorial. Cette rencontre qui aurait dû avoir lieu il y a déjà un an, pour le 90e anniversaire du génocide. C'était sans compter les nombreux opposants au projet (Libération du 22 avril). Des riverains de la place, en premier lieu. Regroupés en association, et emmenés par la conseillère municipale UMP Marie-Chantal Desbazeille, ils jugeaient que l'oeuvre n'aurait pas dû être installée «en plein coeur de Lyon», «sur une des plus belles places d'Europe». Ils ont déposé pas moins de quatre recours devant le tribunal administratif pour empêcher sa construction. Puis, plus récemment, il y eut les débordements et déclarations d'une partie de la communauté turque. Une manifestation violente fin mars. Des tags négationnistes la semaine dernière. Hier, en ouverture de la cérémonie, une jeune fille a pris la parole. Cette descendante de rescapé du génocide, a raconté une histoire. Parabole du SDF à qui l'on offrirait bien l'hospitalité mais dont on craint qu'il ne salisse le tapis de ses souliers crottés. «Voilà ce que je ressens lorsque l'on évoque le génocide arménien.» La jeune fille évoque une «mémoire piétinée en permanence par le négationnisme des uns et la xénophobie des autres». Elle explique, simplement, que ce mémorial n'est «ni un caprice ni un luxe», «juste un besoin pour nos victimes qui n'ont pas eu de sépulture». Citant Jaurès, le maire de Lyon Gérard Collomb a rappelé que «l'humanité ne peut plus vivre avec, dans sa cave, le cadavre d'un peuple assassiné». Autour de la place, le déploiement policier depuis le début d'après-midi témoignait des craintes d'incidents. Il n'y en a pas eu. La seule tension palpable, eu lieu entre le maire de Lyon et le ministre des Transports Dominique Perben : petites piques entre candidats au trône municipal. Le premier se bat depuis deux ans pour que ce mémorial se fasse. Le second se bat pour venir l'inaugurer en tant que «représentant du chef de l'Etat». Décalage des enjeux au milieu d'une cérémonie que l'on sentait lourde d'émotion pour la communauté arménienne.