Annonce Le leader indépendantiste Saïdoulaïev a été tué samedi, succès de taille pour la Russie. Moscou exhibe son macabre trophée tchétchène par Lorraine MILLOT QUOTIDIEN : lundi 19 juin 2006 Moscou de notre correspondante Un corps dénudé dans une flaque de sang, le pantalon baissé à mi-jambes pour montrer le slip : la guerre a beau être officiellement «terminée» depuis longtemps en Tchétchénie, la télévision russe a encore eu recours à une mise en scène particulièrement infamante pour présenter le cadavre du chef séparatiste tchétchène Abdoul Khalim Saïdoullaïev. Selon les récits recueillis auprès des deux forces en présence, ce leader séparatiste peu connu, qui avait succédé au dernier président tchétchène élu, Aslan Maskhadov, tué en mars 2005, aurait été abattu au cours de combats qui ont fait au moins deux morts dans les rangs prorusses. Tué à Argoun, Saïdoullaïev a ensuite été transporté jusqu'au village de Tsentoroï, fief de Ramzan Kadyrov, le nouvel homme fort mis en place par Moscou, pour y être livré aux caméras dans cette pose dégradante, bien destinée à souligner qu'il n'était plus un homme. Aplomb. Debout devant le cadavre, revêtu d'un treillis pour l'occasion, Kadyrov a déclaré que ce «terroriste en chef» aurait été vendu pour 1 500 roubles (44 euros) par l'un de ses hommes qui «avait besoin de s'acheter 1 gramme d'héroïne». Saïdoullaïev était revenu depuis peu en Tchétchénie pour y préparer de gros attentats à l'occasion du sommet des chefs d'Etat du G8 prévu mi-juillet à Saint-Pétersbourg, a expliqué le jeune Kadyrov, qui maîtrise désormais très bien l'art d'affirmer avec aplomb n'importe quelle fable de circonstance. Les boïviki (combattants indépendantistes) sont maintenant «pratiquement décapités», a encore lancé Kadyrov, qui ,de fait, peut se targuer là d'un nouveau succès important. «Dans les montagnes du sud de la Tchétchénie, il y a encore des groupes de combattants, mais ils n'ont plus beaucoup de financements et plus tellement le moral», nous confiait récemment un ancien boïvik qui vient d'exfiltrer son frère d'un de ces groupes et de le faire passer clandestinement en Pologne. «La résistance armée n'a plus guère de perspectives aujourd'hui», soupire cet ancien combattant qui a réussi à revenir à la vie civile et travaille comme chauffeur. De gré ou de force, plusieurs centaines d'anciens combattants se sont ralliés, ces dernières années, aux forces de Ramzan Kadyrov, qui leur offre la même rhétorique nationaliste et islamiste que les boïviki, mais avec le soutien de la Russie en prime, c'est-à-dire l'assurance d'un salaire plus régulier. Depuis un an environ, Kadyrov s'est aussi lancé dans une reconstruction frénétique de la république qui crée enfin des emplois civils. Famille enlevée. Sitôt la mort de Saïdoullaïev confirmée, le représentant à l'étranger des rebelles, Akhmed Zakaïev, a pourtant annoncé que Dokou Oumarov, 42 ans, chef de guerre depuis longtemps recherché par Moscou, prendra la succession de Saïdoullaïev à la tête de la Tchétchénie indépendante. Tous les proches parents d'Oumarov, son père, son frère, sa femme et même son bébé, âgé de 6 mois, ont déjà été enlevés ces derniers mois et seraient détenus dans une prison personnelle de Kadyrov, pour obliger ce chef de guerre à se rendre, ont dénoncé, en vain, plusieurs sources indépendantistes. En guerre depuis maintenant douze ans contre la Russie, Dokou Oumarov ne semble pas prêt pour autant à baisser les armes. Le journaliste russe Andrei Babitski, dernier témoin indépendant à l'avoir rencontré, en juin 2005 dans un campement de montagne en Tchétchénie, l'a décrit comme fatigué, «prématurément vieilli», mais ne voyant toujours pas de solution de rechange à la guerre, tant que Poutine est au pouvoir en Russie. Le chef terroriste Chamil Bassaïev, qui a revendiqué le massacre de l'école de Beslan, en septembre 2004, continue aussi à circuler sans encombre non seulement en Tchétchénie mais dans les républiques voisines du Caucase, à en croire le site indépendantiste Kavkazcenter.com qui publie régulièrement photos et récits de ses faits d'armes. Réduits à quelques centaines d'hommes encore actifs, les rebelles tchétchènes n'en sont que plus radicaux. Ils ont aussi montré, ces derniers temps, qu'ils peuvent encore frapper aussi bien en Tchétchénie que dans les républiques voisines.