Annonce Le Kremlin encourage Nachi, le mouvement patriotique des "jeunesses poutiniennes" 'élection présidentielle de 2008 en Russie est encore loin mais la bataille pour récupérer les voix des jeunes a déjà commencé. Et Vladimir Poutine n'aura pas laissé passer l'été sans continuer son travail auprès du mouvement Nachi ("Les nôtres", c'est-à-dire les Russes), déjà reçu au Kremlin à la fin de l'année scolaire. Une cinquantaine de jeunes de Nachi, qui tenait ses premières assises, ont été invités fin juillet par le chef de l'Etat dans sa résidence de campagne de Zavidovo. Une sorte de piqûre de rappel du président pour leur dire combien ils peuvent être "utiles non seulement aux autorités, mais aussi à la société et à l'Etat" . M. Kassianov dénonce une "disparition de la démocratie" L'ancien premier ministre russe Mikhaïl Kassianov a critiqué violemment la politique du Kremlin, qui mène, selon lui, à une "disparition de la démocratie" en Russie, à la "démolition du Parlement" et à une "explosion de la corruption" , dans une tribune publiée, lundi 22 août, par la revue du Foreign Policy Centre, un "think-tank" britannique. "Dans la réalité, presque tous les éléments essentiels d'un Etat démocratique moderne ont disparu en un court laps de temps , écrit-il. La séparation des pouvoirs a été remplacée par une prétendue "verticale du pouvoir" qui est basée sur l'idée fausse que les processus politiques et sociaux doivent être placés sous le contrôle de l'Etat." M. Kassianov, limogé par le président Vladimir Poutine en février 2004, se place en candidat possible d'une "Coalition démocratique" d'opposition à l'élection présidentielle de 2008. (AFP.) [-] fermer En fait, échaudé par les révolutions de Serbie, de Géorgie et d'Ukraine, qui ont vu la jeunesse prendre activement part au renversement des régimes en place, le Kremlin est bien décidé à ne pas se laisser doubler. Nachi veille, flatte et enrôle. Créé dans le secret en février, ce mouvement rassemblant des 17-23 ans existe officiellement depuis le 15 avril. Kostia Goloskokov, grand brun coiffé en brosse, fait partie des "commissaires", ces jeunes à la tête du mouvement. Ils disent être près de 80 à Moscou et 3 000 dans toute la Russie. Les simples membres, eux, sont en train d'être recrutés. "Tout le monde n'entre pas ici, il faut être recommandé. Nous souhaitons de vrais patriotes, éduqués, intelligents" , s'enorgueillit Kostia, qui rappelle qu'un examen vérifie la connaissance du Manifeste du mouvement des jeunes démocratiques et antifascistes Nachi, document fondateur publié dans le quotidien Izvestia au mois d'avril. Kostia, comme la plupart des "commissaires", reçoit l'une des meilleures formations de Moscou : il étudie à l'Ecole supérieure d'économie. Les autres viennent des prestigieuses universités MGU, Baumenski, ou de celle d'aviation. Un peu à la manière du Komsomol, qui introduisait les meilleurs des jeunesses communistes aux hauts postes, Nachi facilite l'intégration de ses membres dans les entreprises. "A partir de l'automne, je vais constituer une base de données de responsables dans différentes entreprises. Si un jeune de Nachi cherche un travail, j'activerai mon réseau pour qu'il soit pris en priorité sur d'autres candidats" , explique Evgueni, de l'université MGU. Kostia, comme Evgueni, considère sérieusement Nachi comme un tremplin permettant d'intégrer l'élite du pays. Hésitant mais posé dans son expression, Kostia confirme qu'il reçoit, grâce à Nachi, des cours pour apprendre à communiquer. "Nous voulons mener la révolution des cadres. Il nous faut être prêts à gouverner le pays dans les dix prochaines années et à remplacer ceux qui ont échoué, qui ont laissé le pays en proie aux privatisations et aux étrangers" , explique-t-il en faisant allusion à l'équipe qui entourait l'ancien président Boris Eltsine durant les années 1990. Car l'élite dont ils se targuent de faire partie va de pair, selon eux, avec un patriotisme à tout va. Leur pays doit retrouver sa grandeur. NOSTALGIE DE L'EMPIRE Dans leur petit bureau situé en plein centre de Moscou, c'est le portrait de Vladimir Poutine qui domine la salle de réunion. Officiellement, le mouvement se défend d'être un instrument du président destiné à contrecarrer les "révolutions orange". Mais les jeunes enrôlés affirment : "Nous soutenons sa politique, et sa personnalité." En retour, l'Etat libère les rues pour leurs défilés, ou leur prête gracieusement un sanatorium pour leur rassemblement. Galvanisés à l'idée de faire partie d'une élite, ils multiplient les conférences, qu'ils considèrent comme des formations. Un après-midi de juin, le journaliste Mikhaïl Leontiev s'est prêté au jeu. Pendant près de trois heures, le discours est virulent. Contre les Etats-Unis qui "veulent déstabiliser notre Etat" , contre la "pauvre Géorgie" , contre l'OMC dont la Russie peut se passer, ou contre "les oligarques de l'étranger qui rassemblent les forces de protestation" . Le discours est dans la ligne de celui du président Poutine et du manifeste des Nachi, nostalgique du grand empire. L'un des soixante jeunes se lève et pose une question. "Qu'est-ce qu'il faut faire avec ceux qui trahissent le pays ?" La réponse est immédiate et sans appel. "Les révolutions comme celles des ex-pays soviétiques marquent la faiblesse de l'Etat. La grandeur de la Russie doit fusiller les révolutions de couleur." Et comme si la mission n'était pas assez claire, il ajoute : "L'élite nationale, ce sont des gens qui ont beaucoup d'obligations envers leur pays, leur peuple. L'obligation la plus importante est de donner sa vie si le souverain l'ordonne." Kostia, 19 ans, est flatté et, attendant les ordres, convaincu de faire partie des "privilégiés".