Annonce Le Japon s'oppose à une levée de l'embargo européen sur les ventes d'armes à la Chine Inquiet devant la montée en puissance de Pékin dans les équilibres régionaux, Tokyo se rapproche de la position américaine à propos de la sécurité de Taïwan. Le président français, Jacques Chirac, a réaffirmé mardi à Bruxelles que l'embargo européen sur les livraisons d'armes à la Chine "ne se justifie plus" mais qu'il devait être levé "dans des conditions que l'Europe et les Etats-Unis devront définir ensemble". Le japon a fait part, lundi 21 février, de sa préoccupation devant le projet de plusieurs membres de l'Union européenne d'obtenir la levée d'un embargo vieux de plus de seize ans sur les ventes d'armes à la Chine. "Notre pays est inquiet", a résumé le porte-parole du gouvernement, Hiroyuki Hosoda, évoquant le risque d'un "regain de tension"en Extrême-Orient. Cette déclaration - sur un ton inhabituel de la part de Tokyo - est venue peu avant les conversations du président américain, George Bush, avec les Européens à Bruxelles, dont on s'attend généralement qu'elles incluent un volet concernant la montée en puissance de Pékin. L'embargo européen sur les ventes d'armes à la Chine a été décrété en 1989, au lendemain de la répression du soulèvement pro-démocratique de Tiananmen par les autorités chinoises. Sous la présidence de Jacques Chirac, la France est devenue le pays de l'UE le plus favorable à l'élimination de cet interdit. L'administration Bush passe pour avoir modéré son opposition à la levée de l'embargo européen tout en continuant de considérer que cette mesure constituerait un "mauvais signal" adressé à Pékin. Le 16 février, le directeur de la CIA, Porter Goss, a déclaré, au cours d'une audition devant la commission du renseignement au Sénat américain, que "la modernisation militaire engagée par Pékin et le développement" des forces chinoises pourraient constituer une "menace pour les forces américaines" déployées dans la région. "La Chine est de plus en plus confiante et active sur la scène internationale (...) pour montrer qu'elle a un rôle à jouer sur les questions internationales, sécuriser ses accès aux ressources naturelles et s'opposer à ce qu'elle considère comme des efforts menés par les Etats-Unis pour la contenir ou l'isoler", a-t-il dit. Il a identifié le détroit de Taïwan comme étant particulièrement vulnérable à une modification des rapports de forces en faveur de Pékin dans la région. La question de Taïwan, île que Pékin n'exclut pas de récupérer par la force, est effectivement l'une des deux principales sources de tensions internationales en Extrême-Orient, avec la péninsule coréenne. Or le Japon, sur ce point, vient de formuler une déclaration publique qui peut changer bien des choses dans la donne régionale. Lors d'une réunion à Washington, le 19 février, responsables diplomatiques et militaires américains et japonais sont convenus que la sécurité du détroit représentait pour les deux pays "un objectif stratégique commun". C'est la première fois que le Japon - dont les approvisionnements en hydrocarbures en provenance du Moyen-Orient transitent par le détroit - se met à ce point en avant dans le souci de préserver le statu quo qui règne à propos de Taïwan. Sans s'opposer à la thèse officielle selon laquelle il n'existe qu'"une seule Chine" dont Taïwan est appelée à regagner le giron à terme, tant Washington que Tokyo voient d'un œil inquiet les tentatives constantes de Pékin de modifier en sa faveur, par des pressions politiques, économiques et militaires, l'équilibre fragile dans lequel les 22 millions de Taïwanais jouissent, actuellement, d'une indépendance de fait. Pékin a réagi sèchement à la déclaration nippo-américaine. "Le gouvernement chinois est fermement opposé à toute déclaration commune des Etats-Unis et du Japon sur Taïwan, qui interfère dans les affaires intérieures de la Chine et viole sa souveraineté", a répliqué, dimanche 20 février, le ministère chinois des affaires étrangères. Pékin s'est à son tour dit "profondément inquiet" d'une démarche japonaise qui constitue une nette inflexion dans son alliance de sécurité avec les Etats-Unis. Pékin a rappelé aux deux pays que cette alliance, scellée en 1951, résultait d'accords conclus durant la guerre froide et ne devrait pas sortir de ce champ historique. Cependant, un facteur-clé nouveau est intervenu après la fin de la guerre froide dans les rapports de forces de part et d'autre du détroit de Taïwan : le fait que l'armée chinoise a mis en place, braqués sur l'île, depuis le continent, 500 à 600 missiles qui ne contribuent guère, pour leur part, à calmer la tension.