Annonce Le guérillero colombien qui a tué son chef réclame aux autorités sa récompense Rojas va-t-il toucher la récompense de 5 milliards de pesos colombiens (1,8 million d'euros) offerte pour la capture d'un chef guérillero ? "C'est promis, c'est dû", affirme l'intéressé. De son vrai nom Pablo Montoya, il s'est présenté le 6 mars aux autorités, après avoir tué son chef, Ivan Rios, un des sept membres de la direction des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC, extrême gauche). "J'ai agi pour le bien du pays", insiste le déserteur, qui a présenté la main de sa victime, comme preuve de son forfait. Lundi 10 mars, Rojas était sur toutes les ondes. "Pour rien au monde, les FARC ne libéreront Ingrid Betancourt. Il faut que sa mère, Yolanda, y pense", a-t-il déclaré à Radio Caracol. Fils de paysan, analphabète, il aurait passé seize ans dans le maquis. Il a entendu dire qu'Ingrid Betancourt est dans le sud de la Colombie, qu'elle est une "femme rebelle", mais il ne l'a jamais vue. A l'en croire, les trois Américains pris en otages par les FARC depuis cinq ans auraient été "condamnés à une peine pareille à celle de Simon Trinidad", un chef de la guérilla extradé et condamné à 60 ans de prison aux Etats-Unis. Selon Rojas, Ivan Marquez, membre du "secrétariat" des FARC, séjourne au Venezuela. Manuel Marulanda, le chef historique de la guérilla, pourrait lui aussi s'y trouver. "Rojas est aux mains de l'armée depuis cinq jours et il a tout intérêt à dire ce que les militaires veulent entendre", rappelle un fonctionnaire international. Rojas refuse toutefois de donner des détails sur les conditions du meurtre d'Ivan Rios. Le chef guérillero aurait été tué avec sa compagne dans leur sommeil. Leurs corps ont été retrouvés, le front troué d'une balle. "Les chefs maintenant vont se méfier de leurs propres troupes", prédit le déserteur. Il juge que son crime est, pour les FARC, un "coup encore plus dur que la mort de Raul Reyes", le numéro deux de la guérilla, tué par l'armée colombienne en territoire équatorien le 1er mars. A Bogota, les observateurs en conviennent. Ce succès macabre et inattendu de la lutte contre les FARC place néanmoins le gouvernement colombien en porte-à-faux. La politique de récompenses a été mise en place pour inciter les informateurs à la délation, non au meurtre, ni à la mutilation des cadavres. Frank Pearl, conseiller présidentiel pour la réinsertion, a défendu le paiement de la récompense promise à Rojas. Selon lui, c'est un moyen d'inciter d'autres guérilleros à suivre son exemple, développant ainsi "un mécanisme pour désorganiser les FARC". Rojas est passible d'être inculpé d'assassinat. En considérant que la légitime défense pouvait être invoquée, le procureur général, Mario Iguaran, a évoqué la possibilité d'un non-lieu, qui permettrait à Rojas de toucher la récompense promise. Plusieurs juristes ont critiqué cette hypothèse. "Un Etat de droit ne peut pas payer pour un crime commis", s'insurge Ramiro Bejarano, ex-directeur des services de sécurité. Le cas est "significatif de la dégradation générale du conflit", écrit le quotidien El Tiempo, dans son éditorial de mardi. Et de conclure : "Dans bien peu de pays, quelqu'un présente une main amputée pour réclamer une récompense de l'Etat."