Annonce Le gouvernement face à la "pagaille" du lundi de Pentecôte- Treize jours avant le référendum sur la Constitution européenne, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin va se trouver confronté, le 16 mai, à une grande "pagaille" , selon l'expression de nombreux responsables politiques et syndicaux. Ce lundi de Pentecôte va cristalliser le mécontentement social, pour des raisons qui tiennent autant aux questions de salaires et de temps de travail qu'aux inquiétudes sur les délocalisations et le chômage.Quatre réunions pour Jacques ChiracLa Pentecôte du président ? Pour Jacques Chirac, c'est un lundi "avec" . Comprendre avec Michèle Alliot-Marie : le chef de l'Etat rencontre un lundi sur deux la ministre de la défense, et le 16 mai l'habituel rendez-vous est maintenu. C'est son rôle de chef des armées. Auparavant, il aura préparé le "triangle de Weimar" , cette réunion tripartite régulière de la France, de l'Allemagne et de la Pologne. Elle aura lieu cette année, à Nancy, jeudi 19 mai, et offrira l'occasion de parler d'Europe, en pleine campagne référendaire. M. Chirac consacrera une réunion à la préparation du conseil des ministres, avec le secrétaire général du gouvernement et le secrétaire général de l'Elysée. C'est la routine.Le président tiendra une autre réunion dans la journée, dont ses collaborateurs se refusent à dévoiler l'ordre du jour. C'est son penchant pour le secret. Il n'a en revanche pas caché que le dispositif de la journée de solidarité devrait être "évalué" , voire révisé pour 2006.[-] fermerA l'origine, pourtant, l'idée d'une journée de solidarité avec les personnes âgées ou handicapées, décidée par le premier ministre à la suite de la canicule de l'été 2003, qui fit 15 000 morts, semblait bien accueillie. Il s'agissait de trouver de nouveaux moyens pour prendre en charge les personnes dépendantes, et la loi du 30 juin 2004 a prévu la suppression d'un jour férié, fixée au lundi de Pentecôte "à défaut d'un accord entre les partenaires sociaux" . Ces sept heures de travail supplémentaires permettant de dégager 2 milliards d'euros : 1,2 pour les personnes âgées et 800 millions pour les handicapés.A l'arrivée, la cacophonie règne. Tous les cas de figure existent : certaines entreprises ont proposé une journée de congé, de réduction du temps de travail ou maintenu ce lundi férié, d'autres travailleront. Dans la fonction publique, il n'y a pas eu de négociation. Les syndicats, hostiles à la mesure, appellent à la grève. Le gouvernement a fait savoir que cette journée de grève ne serait pas payée.Certains ministres, qui parlent en privé de "maladresse" , auraient préféré que le gouvernement communique avant tout sur la suppression d'un jour férié, et non sur le lundi de Pentecôte comme l'a fait M. Raffarin. Nombre de détracteurs de la mesure critiquent le fait que cette "journée de travail gratuit" ne s'applique qu'aux seuls actifs, alors même que le gouvernement a justifié sa réforme des 35 heures en expliquant vouloir donner aux Français la possibilité de "travailler plus pour gagner plus" . Comble de malchance, enfin, l'effort demandé en 2005 tombe une année qui offre peu de ponts, dans un mois habituellement riche en occasion de week-ends prolongés.De quoi fédérer les mécontentements et offrir l'occasion à la gauche, divisée sur le référendum, de faire front commun. Les deux leaders du PS se retrouvent ainsi dans la critique d'"une mesure injuste et imbécile" pour le premier secrétaire, François Hollande, "une loi mal fichue et une mauvaise idée" pour Laurent Fabius. De son côté, le PC a annoncé qu'il "soutiendrait les appels à la grève" . La grogne n'épargne pas la majorité. Si les députés de droite ont été priés de mettre en sourdine leurs critiques, beaucoup continuent à pester contre la "stupidité" de la mesure. L'UMP Jean-Louis Christ (Haut-Rhin) explique qu'il est de son "devoir de dire qu'il y a une vraie hostilité à la mesure dans la population" . Favorables au principe d'une journée de solidarité, les parlementaires de la majorité avaient fait passer un amendement sur le libre choix de ce jour. "Supprimer un jour de vacances dans l'éducation nationale, afin qu'elle ne donne pas le tempo et que les entreprises puissent exercer leur libre choix, aurait été beaucoup plus simple" , estime M. Christ. Le président du comité de suivi de la journée, Jean Leonetti (UMP, Alpes-Maritimes), est également partisan de cette solution de rechange.UNITÉ PROVIDENTIELLELes syndicats retrouvent aussi une unité providentielle dans la critique : de la centrale chrétienne CFTC, seule confédération à avoir lancé un mot d'ordre de grève nationale pour le 16 mai, à la CNT, anarcho-syndicaliste. Les syndicats de l'éducation nationale appellent ensemble à la grève. Ils sont soutenus par une fédération de parents d'élèves, la FCPE, qui demande aux parents de ne pas envoyer leurs enfants à l'école.Selon le cabinet Epsy, spécialisé dans l'étude des conflits sociaux, les appels à la grève concernent 20 % des salariés du privé. Sans compter les mouvements prévus dans de nombreuses collectivités territoriales.La critique de la mesure gagne même certains chefs d'entreprise. Le Medef de Seine-et-Marne la juge "inéquitable, car seuls les actifs la paieront" , "coûteuse" pour les entreprises et "complexe" à appliquer. Certains économistes estiment que cette obligation de travailler tombe bien mal à un moment où les entreprises cherchent à réduire leurs stocks.L'opinion publique semble solidaire avec les futurs grévistes : 56 % des Français soutiennent le mouvement, selon un sondage CSA du 9 mai pour l'Humanité et la Nouvelle Vie ouvrière (réalisé les 26 et 27 avril auprès de 1 000 personnes).La direction de la SNCF ne s'y trompe pas. Elle annonce un service renforcé pour le retour du week-end... lundi soir. De fait, selon les chiffres de la société de voyage en ligne, Expédia, 50 % des voyageurs qui ont réservé pour le week-end prochain s'évaderont trois jours.
