Annonce Le gouvernement espagnol propose une légalisation totale du mariage homosexuel Pour être informé avant tout le monde, recevez nos alertes par e-mail. Abonnez-vous au Monde.fr Selon le projet de loi qui sera soumis au Parlement début 2005, les conjoints du même sexe bénéficieront des mêmes droits que les hétérosexuels, y compris pour l'adoption d'enfants. Madrid de notre correspondante L'Espagne est en passe de devenir l'un des pays les plus avancés en matière d'égalité des droits entre les couples homosexuels et les couples hétérosexuels. Jusqu'en 1978, l'homosexualité était encore considérée comme un délit passible de peines de prison. Le projet de loi présenté, vendredi 1er octobre, en conseil des ministres, par le gouvernement de José Luis Rodriguez Zapatero a pour objectif d'"en finir avec la discrimination dont souffrent les homosexuels depuis des siècles". La loi, qui suppose la réforme d'une douzaine d'articles du Code civil, devrait être votée au Parlement au début de l'année 2005 avec l'appui des formations de gauche et de la plupart des partis nationalistes. Le postulat est simple : le mariage entre deux personnes du même sexe équivaudra, tant du point de vue des droits que des obligations, au mariage entre un homme et une femme. Autrement dit, les homosexuels pourront se marier et adopter des enfants ; les conjoints devront "se prêter assistance et agir dans l'intérêt de la famille" ; ils bénéficieront des dispositions prévues en matière de retraites, de droits de succession, de veuvage, de résidence, de droit de tutelle ou de nationalité ; ils bénéficieront également de toutes les mesures concernant les jours de vacances accordés pour un mariage ou pour les congés de maternité. Si les homosexuels peuvent se marier en Belgique et en Hollande - ainsi que dans cinq provinces canadiennes et dans l'Etat du Massachusetts (Etats-Unis) -, c'est en matière d'adoption que l'Espagne devient un pays "pionnier", puisqu'il n'y aura aucune restriction. L'adoption n'est autorisée en Belgique et aux Pays-Bas que sur le territoire national. Mais aucune disposition particulière n'a été prise puisque cela découle simplement du mariage. Les couples de femmes ou d'hommes pouvaient avoir recours à l'adoption à titre individuel. Ce qui va changer c'est que l'adoption sera conjointe, avec ce que cela entraîne en matière d'autorité parentale, de droits de succession ou de garde des enfants après une séparation. LARGE ACCEPTATION Le gouvernement a assuré qu'une nouvelle loi sur le concubinage sera également approuvée pendant cette législature. La situation est très différente selon les régions. Ainsi, les concubins, indépendamment de leur orientation sexuelle, peuvent adopter en Navarre, au Pays basque, en Aragon et bientôt en Catalogne. En Andalousie, en Estrémadure et dans les Asturies, les couples en concubinage peuvent simplement accueillir des enfants. Ailleurs, il existe soit des lois dites "décaféinées" par les associations de gays et de lesbiennes, comme à Madrid, aux îles Baléares, aux îles Canaries ou dans la région de Valence, soit le néant législatif. Selon un sondage, 62 % des Espagnols se disent favorables au mariage entre homosexuels. Cette large acceptation explique sans doute que le Parti populaire (PP) qui, pendant ses huit années de gouvernement, a refusé des dizaines de propositions des partis d'opposition, vient de présenter un texte en faveur de "contrats d'union civile stable", proche des pacs à la française et qui refuse toute possibilité d'adoption. En revanche, le porte-parole de la Conférence des évêques, Juan Antonio Martinez Camino, considère que la loi sur le mariage homosexuel va "introduire un virus dans la société", que "cela n'a jamais existé dans aucune civilisation et que cela va à l'encontre de la raison". L'Eglise a déjà durement critiqué le nouveau projet de loi facilitant le divorce ou la suppression de l'enseignement obligatoire de la religion à l'école qui avait été instauré par le gouvernement de José Maria Aznar. Les différentes associations de gays et de lesbiennes ont manifesté leur joie. Beatriz Gimeno, au nom de la Fédération d'Etat des lesbiennes, gays et transsexuels, tient toutefois à rappeler le calvaire de nombreuses personnes "qui ont connu la prison, ont dû vivre cachées, ont souvent été obligées de se marier contre leur gré, ont été soumises à des traitements psychiatriques, et qui n'ont jamais pu imaginer qu'une loi leur donnerait leur dignité".