Annonce Le général Aoun acclamé à Beyrouth après 14 ans d'exil Le général chrétien libanais Michel Aoun a été acclamé par plusieurs dizaines de milliers de ses partisans à son arrivée samedi sur la place des Martyrs, dans le centre de Beyrouth, pour s'incliner sur la tombe de Rafic Hariri. Selon les organisateurs du rassemblement, le nombre de participants étaient supérieur à 200 000. Brandissant des drapeaux libanais, vêtus de tee-shirts orange, les couleurs du Courant patriotique libre (CPL) et entonant des chants patriotiques, la foule, composée principalement de jeunes, a laissé exploser sa joie et certains des participants ont éclaté en sanglots. Le général Aoun s'est ensuite adressé à la foule derrière une vitre pare-balles après avoir salué des députés de l'opposition venu l'accueillir. Je suis revenu après quinze ans parmi les miens et après que ceux qui ont cherché à m'anénantir ont échoué et n'ont pas réussi à obtenir que je trahisse ma patrie", a-t-il affirmé. "Il faut qu'il y ait une émancipation des mentalités, se débarrasser du féodalisme politique et du système confessionnel qui est hérité du XIXe siècle", a-t-il asséné. Chef d'un gouvernement de militaires chrétiens de 1998 à 1990 qui avait proclamé une "guerre de libération contre la Syrie", le général Aoun avait refusé d'adhérer aux accords de Taëf (1989) qui avaient mis fin à la guerre civile libanaise, arguant du fait que ces accords pérennisaient la présence militaire syrienne au Liban. Refusant de céder le pouvoir au président libanais, Elias Hraoui, élu avec le soutient de Damas, le général Aoun fut chassé du pouvoir par une offensive militaire syrienne et trouva refuge en France. Le dirigeant de l'opposition chrétienne antisyrienne est rentré samedi après-midi à Beyrouth, arrivant de Paris après 14 années d'exil en France. "C'est un jour de joie. (...) Je reviens alors que brille de nouveau le soleil de la liberté pour qu'on construise tous ensemble un nouveau Liban", a-t-il déclaré peu après son arrivée dans le salon d'honneur de l'aéroport. Aucun officiel n'était présent à l'aéroport pour l'accueillir, douze jours après le départ de l'armée syrienne, le 26 avril, qu'il avait combattue avant d'être forcé à l'exil. Des centaines de bus ont été affrétés par son mouvement, le CPL, pour convoyer les sympathisants à partir de plusieurs régions libanaises vers le centre ville de Beyrouth. Son retour a fait grincer des dents une partie de l'opposition antisyrienne, notamment celle dirigée par le chef druze Walid Joumblatt, qui l'a accusé de chercher à se donner le "beau rôle" dans le retrait syrien "alors que ce retrait est dû à l'assassinat de Rafic Hariri". "Ce n'est pas le tsunami qui nous tombe sur la tête tardivement qui a apporté la libération, mais le sacrifice de Rafic Hariri", a déclaré samedi M. Joumblatt à la presse. Michel Aoun avait reconnu que l'assassinat de Rafic Hariri a accéléré le retrait syrien mais a estimé que ce retrait était devenu inéluctable après l'adoption du Conseil de sécurité de l'ONU de la résolution 1559, parrainée par les Etats-Unis et la France. LAHOUD CONTESTÉ Par ailleurs, vendredi soir, 22 personnes ont été blessées, dont cinq étaient toujours hospitalisées samedi, dans un attentat à l'explosif qui a visé la ville chrétienne de Jounieh, au nord de Beyrouth, selon la police. Il s'agit du cinquième attentat contre des fiefs de l'opposition chrétienne antisyrienne, depuis l'assassinat de Rafic Hariri. La charge de 25 kg de TNT a détruit les studios de la radio privée chrétienne, la "Voix de la Charité" (Saout al-Mahaba) et fortement endommagé une église. L'opposant et député chrétien Farès Souaid a accusé la Syrie, dont le dernier soldat s'est retiré le 26 avril du Liban, d'être derrière cet attentat. Le chef druze Walid Joumblatt est allé plus loin en accusant directement le président pro-syrien Emile Lahoud : "C'est lui, le chef des services qui mettent les bombes", a-t-il affirmé. M. Joumblatt, dont le bloc parlementaire compte seize députés, a accusé M. Lahoud de chercher à "saboter" l'adoption d'une nouvelle loi électorale et a affirmé qu'"il faut trouver une formule pour obtenir le limogeage d'Emile Lahoud, afin que nous puissions adopter une loi électorale acceptée par tous". La Constitution libanaise ne comporte pas de procédure de destitution du président de la République dont le mandat ne peut être modifié que par un amendement constitutionnel. M. Joumblatt a accusé le président Lahoud de chercher à retarder les élections après que ce dernier eut demandé, tardivement, au Parlement d'adopter une nouvelle loi électorale alors qu'il avait déjà contresigné le décret convoquant les électeurs le 29 mai, pour le premier tour du scrutin. M. Lahoud a écrit en ce sens jeudi au président du Parlement, Nabih Berri. "Il y a unanimité au Parlement pour rejeter la lettre de M. Lahoud, pour demander son limogeage et afin d'organiser des élections", a assuré M. Lahoud. Cependant, des députés chrétiens pro-syriens ont refusé de se prononcer sur la question du limogeage de Lahoud ; ils ont en revanche rejeté sa lettre par vote lors de la séance spéciale du Parlement qui s'est tenue dans la matinée. Les législatives doivent se tenir en quatre étapes du 29 mai, à Beyrouth, au 19 juin, au Liban nord.