Procès Le fondateur de Free, Xavier Niel, face à son passéIl est 13 h 30, jeudi 21 septembre, à l'entrée de la salle d'audience de la 11e chambre du tribunal correctionnel de Paris. Xavier Niel en costume gris devise, sourire aux lèvres, avec son avocate. L'homme semble presque détendu. Pourtant la veille, le fondateur d'Iliad, maison mère du fournisseur d'accès à Internet Free, a vu le parquet requérir contre lui deux ans de prison avec sursis et 375 000 euros d'amende, pour recel d'abus de biens sociaux.A l'encontre de deux gérants de sex-shop strasbourgeois, auxquels Xavier Niel était associé, le procureur a demandé une peine de deux ans de prison, dont un an ferme, et 50 000 euros d'amende pour Marc Viot, et une peine de deux ans d'emprisonnement, dont huit mois ferme, pour Mario Cesca. En outre, il a requis trois ans de prison, dont deux ferme, et 500 000 euros d'amende à l'encontre de Fernand Develter, associé de M. Niel dans des affaires de sex-shops.Ce jeudi, c'est au tour des avocats de la défense de présenter leurs plaidoiries. Sur le banc où s'alignent les accusés, Xavier Niel se pose à une extrémité. Fernand Develter, son "père spirituel" devenu son ennemi, s'assied à l'opposé.Pas moins de sept avocats sont présents pour la défense des accusés. Cinq passeront à tour de rôle, pour tenter de dématérialiser la longue litanie des délits, dans lesquels associés et gérants se défendent d'être impliqués : société en Suisse, activités aux îles Vierges, abus de biens sociaux, blanchiment d'argent, échange d'argent au noir, proxénétisme… En deux heures, la défense égrène le vocabulaire d'un univers de hors-la-loi, à des années-lumière de celui qu'on attendrait d'un chef d'industrie discret et brillant."À LA RECHERCHE D'UN PÈRE"Xavier Niel regarde peu l'audience clairsemée. Il ne sourit plus. Les lèvres serrées, il garde les yeux fixés le plus souvent sur le sol. Il endure, stoïque, le calvaire du déballage public d'un univers glauque, dont il a été acteur.A contre-courant des autres accusés, Xavier Niel plaide coupable. Vient le moment de l'explication humaine, par la voix de Me Caroline Toby, son avocate : Pourquoi le milliardaire n'a pas coupé les ponts, une fois fortune faite, avec l'univers interlope de l'industrie du sexe ?"Il a 20 ans lorsqu'il rencontre Fernand Develter, qui en a 46 ", explique Me Toby. Cette rencontre lui a donné "un début d'aisance". Dans un univers nouveau, le jeune Niel découvre "l'ivresse de la transgression", puis la réussite, grâce au financement de Fernand Develter. Xavier Niel, dont les premiers succès datent des années 1980-90 avec le minitel rose,"traînerait son passé comme un boulet". Niel,"à la recherche d'un père", poursuit l'avocate, va "jusqu'au bout de cette relation. C'est la justice qui y a mis fin".Au tour de l'avocat de Fernand Develter, qui a pour objectif de peindre sous un jour plus clair son client. Les arguments sont ténus : "C'est un ancien banquier", dit-il, avant de s'en prendre à Xavier Niel pour son ingratitude. Celui qui a fait fortune et n'aurait pas suffisamment partagé. "Je n'aimerais pas faire de la spéléologie avec vous, conclut-il en s'adressant directement à Xavier Niel, j'aurais trop peur que vous me coupiez la corde". Niel encaisse d'un hochement de tête.La séance touche à sa fin. Le tribunal rendra son jugement le 27 octobre. Xavier Niel est le premier à s'échapper de la salle.
