Annonce Le «Docteur La Mort» et ses 87 victimes Selon des sources médicales, le Dr Jayant Patel, chef du service de chirurgie de l'hôpital de Bundaberg, allait jusqu'à «hanter les couloirs de l'établissement pendant les week-ends et ses jours de congés, à la recherche de patients à amputer». (Photo K. Wood/Newspix.) Marilyn Daisy a survécu à l'amputation d'une partie de sa jambe gauche, mais de justesse. Son chirurgien, le Dr Jayant Patel, aurait «oublié» sa patiente aborigène de 44 ans, qui souffrait de gangrène aux orteils. Abandonnée sans soins à l'hôpital pendant plusieurs jours, elle a été découverte in extremis dans un état semi-comateux par un autre médecin. James Edward Phillips n'a pas eu la même chance: il est mort cinq jours après que le Dr Patel a prélevé une partie de son œsophage, que ses collègues avaient refusé d'opérer, jugeant qu'une intervention mettrait la vie du patient en danger. Pour les collègues du Dr Patel et pour la presse australienne, le médecin américain est un psychopathe. Ils l'ont surnommé «Dr Death» (Docteur La Mort). L'épithète est peut-être un peu prématurée, puisque l'enquête ne fait que commencer. Mais selon les premières investigations, le Dr Jayant Patel serait directement responsable de la mort de 87 patients et d'un nombre incalculable d'infections et de complications médicales qui ont eu lieu à l'hôpital de Bundaberg, dans l'état du Queensland, où il a travaillé pendant deux ans. Selon des sources médicales citées par le Courier Mail, le Dr Patel pratiquait l'amputation avec un enthousiasme suspect, allant jusqu'à «hanter les couloirs de l'établissement pendant les week-ends et ses jours de congés, à la recherche de patients à amputer». Citée dans le même quotidien de Brisbane, une employée de l'hôpital confie: «Les médecins sont des gens dévoués, mais lui, c'était autre chose. C'était comme s'il avait besoin d'un flux constant de malades à charcuter pour se sentir bien. Il s'attaquait même à des patients qui ne lui étaient pas attribués ou qui ne relevaient pas de la chirurgie. Certaines infirmières cachaient les malades pour l'empêcher de mettre la main dessus.» Patel aurait également prononcé des diagnostics erronés. Sans compter la paire de ciseaux oubliée dans l'abdomen d'un patient qu'il venait d'opérer, responsable de graves perforations des intestins du malade. Né en 1950 à Jamnagar, en Inde, où il a fait ses études de médecine, puis émigré aux Etats-Unis, le Dr Patel, 55 ans, visage rond et cheveux noirs abondants, s'est intallé en Australie en 2003. A peine engagé par l'hôpital de Bundaberg, il a été promu chef du service de chirurgie de l'établissement, sans que les autorités queenslandaises responsables de la santé publique ni la direction de l'hôpital ne se donnent la peine de vérifier ses références. Si elles s'étaient livrées à une simple recherche sur Internet, elles auraient pourtant appris que la licence médicale du Dr Jayant Patel avait été suspendue en 1984, puis confisquée par les autorités de l'Etat de New York en 2001 pour faute professionnelle. Le Dr Patel avait aussi été révoqué par l'Etat d'Oregon en 2000. Moins de deux mois après l'arrivée du «Dr La Mort» à l'hôpital de Bundaberg, le Dr Jon Joiner, médecin spécialiste, et Toni Hoffman, infirmière en chef du service de soins intensifs, ont fait part de leurs inquiétudes concernant la compétence de leur collègue au superintendant de l'hôpital. Pourtant, aucune sanction n'a été prise. Le carnage a donc continué pendant dix-huit mois. Il a fallu attendre que Toni Hauffman, qui ne supportait plus cette «négligence criminelle», agisse pour que l'aberrante conduite du chirurgien attire enfin l'attention du Parlement queenslandais. Faute d'être écoutée par la direction complaisante de l'hôpital et par les fonctionnaires retranchés dans une confortable bureaucratie, l'infirmière a alerté les médias locaux en avril dernier. Le Parlement queenslandais a créé une commission d'enquête en juin. Sentant le vent tourner, le Dr Patel a profité des vacances de Pâques pour s'envoler discrètement vers les Etats-Unis le 1er avril dernier. Selon des recherches effectuées par le programme de télévision «60 Minutes», qui a retrouvé sa trace, il se trouverait à Portland, dans l'Oregon. Deux policiers queenslandais sont en route pour les Etats-Unis où ils vont tenter, sans trop d'espoir, de persuader le médecin de retourner en Australie pour être entendu par la commission d'enquête. Sinon, Sydney devrait réclamer son extradition en vertu du traité de 1974 qui lie les Etats-Unis et l'Australie. Si Patel est jugé et reconnu coupable par la justice australienne, il encourt la prison à vie. Mais la police du Queensland devra établir un dossier particulièrement solide pour pouvoir poursuivre le chirurgien en justice. «Même les médecins les plus compétents peuvent commettre des erreurs médicales ou des actes qui peuvent être considérés comme des erreurs, mais de telles fautes ne sont pas suffisantes pour aboutir à une inculpation criminelle», explique Angus Corbett, un juriste spécialisé dans les négligences médicales. Pour obtenir une inculpation, le procureur devra prouver que «le médecin a agi avec une négligence telle qu'aucun médecin raisonnable n'aurait agi de la même manière. Cela dépend aussi largement de l'état d'esprit du médecin. Avait-il l'intention de causer la mort ou de blesser ou a-t-il agi avec une telle imprudence que porter atteinte à la santé du patient lui était égal?»Un avocat prêt à défendre Patel pense, pour sa part, que le chirurgien sert de bouc émissaire au système de santé déficient du Queensland. Il estime que la campagne contre son client d'origine indienne contient des éléments racistes exploités par les politiciens locaux
