Scandale Le destin pathétique de Lynndie EnglandCette jeune femme d'origine modeste était affectée à des tâches administratives à la prison d'Abou Gharib, près de Bagdad. Le monde a découvert, stupéfait, son visage souriant devant des scènes de sévices infligés à des prisonniers irakiens. Lorsqu'un journaliste lui a présenté les photos de sa fille, Terrie England a plaqué ses doigts sur sa bouche, stupéfaite. On y voyait le private Lynndie England, une petite brune de 21 ans, souriant au photographe derrière un empilement de prisonniers irakiens nus, contraints de faire une pyramide de leurs corps. "Oh mon Dieu ! a-t-elle lâché en tremblant devant le correspondant du Baltimore Sun. Je ne peux pas voir ça."Pour son malheur, depuis une semaine, les photos de sa fille font la une de la presse mondiale. On a ainsi découvert Lynndie England, affectée à la prison d'Abou Gharib en Irak, tenant en laisse un prisonnier nu, lever le pouce devant le sexe d'un autre prisonnier, menotté et cagoulé… Bref : prenant des poses devant des hommes gravement humiliés, terrorisés et brutalisés. Du coup, Lynndie England est devenue en quelques jours l'icône de ces soldats qui "répugnent" publiquement le président Bush.Un mobil-home dans un terrain vagueLynndie England a vécu toute son enfance dans un mobil-home, entre un bar et une ferme de la petite localité de Fort Ashby, perdue dans les collines de la Virginie occidentale. Fille d'un cheminot, elle a grandi dans la pauvreté, partageant son temps entre l'école du district et le "Dairy Dip" du coin, où, racontent ses proches, elle tuait le temps avec sa sœur en plaisantant sur les voitures qui passaient sur la grand-route.Bonne élève, elle avait envie de voir du pays. Au sortir du lycée où elle a travaillé dur, Lynndie England n'a jamais quitté sa campagne. Pour obtenir suffisamment d'argent pour payer ses études, elle s'est engagée dans la 372ème Compagnie de police militaire de Cumberland, dans l'Etat voisin du Maryland, la fierté de la région. En plus d'un métier, elle a aussi trouvé l'amour dans l'armée. Charles Graner, son nouveau fiancé, fait partie du même bataillon qu'elle."Il pourrait y avoir des problèmes"Formée à être une "classeuse de papier", selon sa meilleure amie Destiny, elle a été mobilisée comme l'ensemble de son bataillon en février 2003 et affectée à la grande prison des faubourgs de Bagdad, où sa mission consistait à enregistrer le nom et les empreintes digitales des détenus. Son portrait a été accroché sur le "Tableau d'honneur" du tribunal et du supermarché du Mineral County. Mais en janvier, sa mère reçoit un coup de téléphone. "Je veux juste que tu saches qu'il pourrait y avoir des problèmes, lui explique Lynndie depuis Bagdad. Mais je ne veux pas que tu te fasses de souci."Depuis, Terri England a compris ce que sa fille voulait dire. Rapatriée aux Etats-Unis, affectée à Fort Bragg, en Caroline du nord, Lynndie England fait partie des six soldats du 372ème MP mis en cause par les autorités américaines. Sa mère ignore si elle a été inculpée et l'armée refuse de répondre à la question. Lynndie, elle, a pour consigne de ne rien dire à ses proches, ou très peu. Selon ses proches, elle serait enceinte."Bêtises de gosses""Ça me fait rire, parce que ce n'est pas Lynn, ironise Destiny devant un journaliste du Washington Post. Elle ne pouvait même pas tirer un chien en laisse." Son père affirme qu'elle a simplement obéi aux injonctions de ses camarades soldats. Sa mère, elle, parle de "bêtises de gosses". Lors d'un coup de téléphone, après la diffusion par CBS des premières photos des sévices, Lynndie lui aurait dit : "Maman, j'étais au mauvais endroit au mauvais moment."
