Mort du cinéaste Walerian Borowczyk
Mort Le cinéaste Walerian Borowczyk est mort vendredi 3 février, à l'âge de 82 ans, de complications cardiaques, dans un hôpital de la région parisienne proche du Vésinet (Yvelines) où il résidait. Né le 2 septembre 1923 à Kwilicz, en Pologne, Walerian Borowczyk avait été d'abord un artiste polyvalent, graphiste, peintre, écrivain, avant de devenir le cinéaste de l'érotisme. André Breton le disait doué d'une "imagination fulgurante".Grand Prix national du graphisme en 1953 pour ses affiches de cinéma, Borowczyk se lance dans le court-métrage en 1946 et est très vite bouleversé le cinéma d'animation en y introduisant un humour noir, des gags surréalistes et une technique nouvelle fondée sur les découpages. Il a une vision de démiurge et impose un univers aussi tapageur (tant du point de vue pictural que de celui de l'absurde) que celui de Ionesco ou de Beckett.Il travaille un temps avec Chris Marker (Les Astronautes) et Jan Lenica, autre grand graphiste et affichiste polonais, mais ce qui distingue Borowczyk est une hantise des objets et des formes, comme ces convulsions d'une chevelure-pieuvre surgie de chez Lautréamont dans Dom. C'est un sabbat d'objets de grenier dans Renaissance, un terrifiant camp de démontage d'automates par des séraphins invisibles dans Les Jeux des anges.Le premier long-métrage de Walerian Borowczyk, Le Théâtre de M. et Mme Kabal (1963), impose un couple (un homme rêveur amoureux des papillons, flanqué d'une matrone au profil de vautour) et un monde kafkaïen. En 1968, Borowczyk quitte le cinéma d'animation et obtient le prix Georges-Sadoul pour Goto, l'île d'amour, qu'il définit comme "un film d'amour sur l'amour du pouvoir". Il s'agit de l'histoire d'un despote où le goût des objets fétiches, du masochisme, et la figure du père rappellent l'oeuvre de Bruno Schulz.Blanche (1972) renoue avec le même thème que Goto : une jeune femme captive d'un vieux seigneur (Michel Simon). Nous sommes dans un Moyen Age courtois, aux décors inspirés de Giotto et Jérôme Bosch, à l'atmosphère tiraillée entre dictature et désir physique.Les Contes immoraux (1974) font de Borowczyk un cinéaste érotique. Il est foudroyé par la censure, puis partiellement libéré (interdiction aux moins de 16 ans). Il s'agit d'un film composé de quatre sketches, le premier adapté d'André Pieyre de Mandiargues, le deuxième évoquant le plaisir solitaire d'une jeune fille vouée à la prière, le troisième retraçant les perversions saphiques et sanguinaires de la comtesse hongroise Erzebet Bathory, et le dernier contant les amours incestueux du pape et de son fils César Borgia avec leur fille et soeur Lucrèce.Après être retourné en Pologne tourner Histoire d'un péché, qui confirme son goût des atmosphères suffocantes et ses indéniables dons plasticiens, Walerian Borowczyk revient en France signer La Bête (1975), puis La Marge (1976), Intérieur d'un couvent (1978), Les Héroïnes du mal (1979), Lulu (1980) d'après Wedekind, L'Art d'aimer (1983) d'après Ovide, et Emmanuelle 5 (1987) : variations plus ou moins audacieuses, plus ou moins raffinées, et inégalement réussies, sur les tourments de la chair, en référence à Sade, Baudelaire, Bataille, Mandiargues.