Annonce Le Chrysanthème va changer de sexe / Le gouvernement nippon veut modifier la loi pour permettre à une femme d'accéder au trône.L'un des prochains Tenno (empereur) du Japon sera-t-il une impératrice ? Une femme montera-t-elle un jour sur le takamikura, le trône octogonal du Chrysanthème, dressé dans la salle principale du palais impérial à Tokyo ? Le débat fait rage au Japon. Au point d'avoir pris une tournure obsessionnelle. Les conservateurs de tous bords, hostiles à toute révolution de palais, veulent conserver intacte «la loi de la maison impériale», promulguée en 1947, qui autorise seulement les hommes à accéder au trône. Le gouvernement du Premier ministre Junichiro Koizumi envisage, au contraire, de soumettre en mars un nouveau projet de loi.Donnant raison à son fils, le prince Tomohito, le premier, en novembre, à avoir jugé impossible l'intronisation d'une femme, le frère de feu l'empereur Hirohito (1926-1989), le prince Takahito, 90 ans, vient de se prononcer contre toute modification des règles de succession. Deux prises de position qui ont suffi à indigner certains politiques et juristes, qui rappellent qu'en vertu de l'article I de la Constitution «démocratique» imposée par les Américains en 1947, l'empereur a été réduit au rang de «symbole de l'Etat et de l'unité du peuple». Et qu'à ce titre aucun membre de la famille impériale ne peut, en théorie, livrer son opinion, intervenir dans les médias et risquer d'influencer des débats publics.Longévité. Moins regardants sur le sexe de leur Tenno, les Japonais semblent adopter sur le sujet une ligne moins passionnelle. Sondés, ils acceptent majoritairement qu'une femme puisse monter sur le trône. «Moi, cela ne me dérangerait pas du tout de voir Aïko (3 ans, fille du prince héritier Naruhito et de la princesse Masako) succéder à son père», s'exclame en riant Okabe-san, une dame âgée à la tête d'un petit commerce du quartier de Yoyogi. «Le débat peut sembler curieux pour des Français, souligne Takeshi Kudo, rédacteur en chef du magazine de luxe Kateigaho International. Mais il touche au coeur même de notre histoire. Nous sommes très attachés à la famille impériale. Si, dans le Japon moderne, la condition à la longévité du système est l'intronisation d'une impératrice, je ne suis pas contre.»Dans un pays où le salaire des femmes reste en moyenne inférieur de 62 % à celui des hommes, le sujet est devenu plus brûlant encore cet hiver quand sont tombés les chiffres de la démographie déclinante d'«un Japon en mal d'enfants», titre d'un essai de la sociologue Muriel Jolivet. La dénatalité galopante (le taux de natalité nippon atteint 1,28) touche jusqu'au palais. Plus que jamais en mal d'héritier mâle, il n'y a plus d'héritier masculin depuis 1965. Un comble que la plus vieille monarchie héréditaire de «droit divin» prend désormais très au sérieux. Pour certains des 1 100 fonctionnaires de la très rigide Agence de la maison impériale, gardienne des moeurs veillant à la quintessence de la lignée dynastique, nommer une femme sur le trône pourrait bien être le moindre mal.Le Premier ministre Koizumi a, de son côté, tranché l'indélicat tabou en nommant un comité des «sages» de dix personnalités. Une majorité d'hommes parmi lesquels l'influent Hiroshi Okuda, ex-patron de Toyota devenu le chef du Keidanren, le syndicat des grands patrons nippons (que des hommes). Le comité a donné sa permission aux femmes d'accéder au trône. Comment ? De la façon la plus naturelle. Il suffit que l'enfant aîné de l'empereur soit prioritaire dans l'ordre de succession, «quel que soit son sexe».Harcelée. Comme par hasard, au même moment, la princesse Masako, 42 ans, harcelée par les tabloïds nippons pour n'avoir pas mis au monde un garçon, est maintenant accusée de vouloir quitter son mari. «Pour la princesse Masako, le divorce n'est pas tabou», titre l'hebdo Shukan Asahi. Des «rumeurs sans fondement» selon l'Agence de la maison impériale.
