Annonce Le chef des services secrets de Djibouti va pouvoir être entendu par la justice française. L'enquête sur la mort du juge Borrel devient affaire d'Etat a justice française vient de donner son feu vert à l'audition du chef des services secrets de Djibouti, Hassan Said. Avec cette décision, prise le 7 janvier par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, l'affaire Borrel, du nom de ce juge français, Bernard Borrel, assassiné il y a neuf ans à 80 kilomètres de Djibouti, progresse à nouveau. Il s'agit dorénavant d'une affaire d'Etat. Olivier Morice, l'un des conseils, avec Laurent de Caunes, d'Elisabeth Borrel, veuve du juge s'en félicite : «Nous considérons qu'à travers la mise en cause du chef des services secrets de Djibouti, ce sont les plus hautes autorités de ce pays qui sont visées». Olivier Morice a également demandé l'audition du chef de l'Etat djiboutien, Ismaël Omar Guelleh. Dans son arrêt du 7 janvier, la cour a rejeté cette démarche au motif qu'«il est exclu au regard de la coutume internationale qu'un chef d'Etat en exercice fasse l'objet de poursuites devant les juridictions françaises». Mais les magistrats de Versailles nuancent leur refus, assurant aussi qu'«il n'est pas exclu qu'il puisse déférer spontanément à une demande d'audition en qualité de témoin». Refus. Hier, Elisabeth Borrel, elle-même juge, en poste à Toulouse, se réjouissait, elle aussi, de la décision de la cour d'appel : «Cela me réconcilie un peu avec les magistrats. Avant, ils s'asseyaient sur la mort de l'un de leurs pairs. C'est la première fois qu'ils prennent en compte l'assassinat de mon mari, et qu'ils posent bien le problème en terme de gravité.» Elisabeth Borrel fait allusion aux multiples refus que les juges ont, des années durant, opposé à ses demandes. Le dernier en date est celui de la juge d'instruction Pascale Belin rejetant en septembre 2004, la demande d'audition d'Hassan Said, accordée donc par la cour d'appel. Le dénouement de l'affaire Borrel avance donc, mais à pas comptés. Car cette audition ne devrait pas porter sur le fond du dossier, c'est-à-dire la reconnaissance officielle de l'assassinat du juge, avec la recherche des commanditaires et l'analyse des mobiles. La justice française veut confronter le directeur des services secrets avec un ancien officier djiboutien aujourd'hui réfugié à Bruxelles, Ali Iftin. Celui-ci a toujours affirmé que Said l'avait obligé à mentir dans l'enquête sur la mort du juge Borrel. Si Hassan Said et Omar Guelleh sont entendus, même comme simples témoins, ce sera d'abord dans ce volet de l'affaire sur une éventuelle «subornation de témoin», connexe au principal dossier. Car, pour l'essentiel, on en est encore aux supputations. Qui a exécuté Bernard Borrel ? Quelles personnes ont donné l'ordre de l'abattre ? Et pour quelles raisons ? Il a fallu attendre décembre 2002, la nomination d'experts compétents par une nouvelle juge d'instruction, Sophie Clément, pour qu'enfin la thèse du suicide ne soit plus la seule privilégiée. Rappelons que des juges d'instruction parisiens et une légiste de renom avaient pensé, contre toute vraisemblance, que Bernard Borrel, retrouvé carbonisé, s'était dévêtu, puis immolé avant de se jeter au pied d'une falaise, et ce pour des motifs indéterminés. De même, on commence aujourd'hui à entrevoir l'importance du rôle de Bernard Borrel à Djibouti. Longtemps présenté comme petit juge coopérant détaché par la France pour aider la justice du pays à la refonte de son code pénal, il se serait également occupé de dossiers plus chauds. Café de Paris. Un document «confidentiel défense» ­ joint à la procédure après une demande de déclassification «secret défense» par la juge d'instruction ­ est tout à fait explicite : «Bernard Borrel s'intéressant à divers dossiers sensibles dont celui de l'attentat du Café de Paris en 1990, avait certainement connaissance d'informations confidentielles.» Borrel était-il tombé sur d'inavouables trafics entre la France et quelques pays d'Afrique ? Qu'a-t-il entrevu de si dangereux pour qu'on l'élimine ?