Discours Le chancelier Gerhard Schröder exprime "la honte" de l'Allemagne aux victimes et survivants de la Shoah Aux Nations unies, Berlin réitère la reconnaissance d'une responsabilité allemande particulière envers la sécurité d'Israël, "principe non négociable" de sa politique extérieure. A écouter : Le discours de Gerhard Schröder à Berlin, le 25 janvier Berlin de notre correspondantAu fond de la scène, une photo géante représentait l'allée centrale du camp d'Auschwitz-Birkenau, celle qui séparait, alignées au cordeau, les baraques dans lesquelles croupissaient les déportés ayant échappé à la "sélection" et à la chambre à gaz. C'est devant cette photo que, mardi 25 janvier, Gerhard Schröder, visiblement bouleversé, a commémoré le 60e anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz, dans un théâtre du centre de Berlin, non loin de l'endroit où se dressera bientôt le monument à la mémoire des juifs assassinés d'Europe. Ministres, présidents d'associations et personnalités de divers horizons y entouraient une poignée de survivants."Le discours politique manque devant l'absurdité et l'horreur de ces millions de crimes", a déclaré le chancelier, soulignant la difficulté à rendre compte par les mots d'un tel événement. "Soixante ans après la libération d'Auschwitz par l'armée rouge, je veux ici, représentant d'une Allemagne démocratique, dire ma honte aux assassinés comme à ceux qui ont échappé à l'enfer des camps, a-t-il ajouté, juifs, gitans, homosexuels, opposants politiques, prisonniers de guerre et résistants de toute l'Europe exterminés avec une perfection froide et industrielle, ou asservis jusqu'à la mort."Au-delà de l'émotion, le message du chancelier avait plusieurs objectifs : souligner, une fois de plus, le lien particulier que l'Allemagne, pour toujours marquée par la Shoah, veut aujourd'hui tisser avec sa communauté juive, "la troisième plus importante d'Europe" ; témoigner de sa volonté - "tâche commune à tous les démocrates" - de lutter contre les néonazis, le négationnisme et l'antisémitisme "dont on ne peut nier qu'il persiste".L'émotion provoquée par le refus des élus d'extrême droite du Parlement du land de Saxe de s'associer à l'hommage rendu aux victimes des camps rendait cette dernière préoccupation très actuelle. Depuis, cependant, tous les partis politiques, communistes exceptés, s'accordent à dire que l'interdiction du NPD, le parti néonazi à l'origine du scandale, ne sera guère facile. Une tentative précédente avait piteusement échoué lorsque, en mars 2003, la Cour constitutionnelle avait annulé la lourde procédure d'interdiction au motif qu'elle se fondait sur des témoignages fournis par des agents gouvernementaux infiltrés ou manipulés. Profitant du désarroi et des déceptions nées de la politique sociale gouvernementale dans l'ancienne Allemagne de l'Est, le NPD a entre-temps réussi à entrer au Landtag de Saxe, recueillant 9,2 % des suffrages et douze députés.Président du Congrès juif mondial, le rabbin Israël Singer s'est pour sa part indigné d'une certaine banalisation de l'antisémitisme en évoquant le discours négationniste, les difficultés des enseignants à être entendus de leurs élèves lorsqu'ils enseignent l'histoire de la Shoah, et l'indifférence aux épreuves subies que manifestent, parfois, "les familles les plus éminentes". L'allusion visait le prince Harry d'Angleterre qui a récemment défrayé la chronique en se produisant dans une soirée déguisé en soldat nazi, brassard à croix gammée au bras.Dans son discours devant les Nations unies, lors de la cérémonie en mémoire des camps, lundi, le ministre allemand des affaires étrangères, Joschka Fischer, a repris les thèmes de la nouvelle identité allemande après la Shoah, comme celui de la responsabilité allemande particulière face à l'Etat d'Israël. "Le crime barbare - du génocide - fera pour toujours partie de l'histoire allemande, a déclaré le ministre (...) Profondément imprégnée de sa responsabilité historique et morale face à Auschwitz, l'Allemagne nouvelle et démocratique (...) a une responsabilité particulière à l'égard de l'Etat d'Israël. Son droit à l'existence comme la sécurité de ses citoyens constitueront toujours un principe non négociable de la politique extérieure allemande. Israël peut y compter."
