Élection Le candidat du Parti démocrate l'a emporté dimanche avec 53,7% des voix Le pro-européen Tadic élu président à Belgrade La Serbie revient de loin. Après avoir hésité pendant deux semaines entre le retour au passé et le chemin vers l'Europe, elle a finalement élu dimanche un nouveau président démocrate et réformiste. A 46 ans, Boris Tadic, le chef du Parti démocratique (DS), héritier politique du premier ministre assassiné Zoran Djindjic, est devenu le premier président non communiste de Serbie. Ses deux prédécesseurs, Slobodan Milosevic et Milan Milutinovic, sont en prison à La Haye. La crise politique qui secoue la Serbie depuis 2002 est donc partiellement résolue. Les trois élections présidentielles précédentes avaient été invalidées faute d'une participation suffisante. Après avoir passé deux ans sans chef de l'exécutif, la Serbie a enfin un président. Arrivé en tête du premier tour, Tomislav Nikolic, le chef du Parti radical (SRS) ultranationaliste, a pourtant bien failli remporter la mise. Chantre de la Grande Serbie, pour une rupture de Belgrade avec le Tribunal pénal international, Nikolic aurait sans doute replongé la Serbie dans l'isolement qu'elle avait connu sous le régime de Milosevic. En décembre, son Parti radical avait remporté les élections législatives en raflant plus de 30% des suffrages. Il n'avait cessé depuis de prendre de l'influence. Le premier ministre nationaliste Vojislav Kostunica a facilité la victoire du candidat réformateur sur son rival ultranationaliste. Après avoir refusé de le soutenir publiquement, car son parti est en guerre ouverte avec le sien, Kostunica a finalement cédé aux pressions de la communauté internationale, qui le priait de prendre position en faveur de Tadic. La victoire de Tadic à la présidentielle va permettre à la Serbie de poursuivre le processus d'intégration à l'Europe, gelé depuis plusieurs mois. «Je veux continuer ce qu'a entrepris mon ami Djindjic... Il n'y a pas d'autre alternative, les intégrations à l'Europe et aux structures euro-atlantiques ne font pas seulement partie du destin de la Serbie, il s'agit de la volonté des citoyens... Sans adhésion à l'UE, nous ne pourrons pas résoudre les problèmes de notre société», a affirmé le nouveau président. Il a aussi promis d'assouplir la politique de Belgrade vis-à-vis du TPI. «La Serbie, membre des Nations unies, est obligée de coopérer avec le Tribunal pénal international, sous peine d'être isolée» sur la scène internationale. L'Union européenne s'est déclarée «très, très satisfaite» du succès de Tadic. «C'est un très bon résultat pour la Serbie et la démocratie en Serbie, qui va aider à clarifier la scène politique», a affirmé Geoffrey Barrett, le représentant de l'UE à Belgrade. A la veille du second tour, l'Union européenne et les États-Unis avaient mis en garde les électeurs serbes contre un retour de l'ultranationalisme au sommet de l'Etat. Reste à savoir si Tadic pourra durablement cohabiter avec le premier ministre Kostunica, qui reste, comme une bonne partie de l'opinion publique serbe, hostile à la coopération avec le TPI et aux réformes. La victoire de Tadic pourrait rapidement conduire à de nouvelles élections législatives anticipées. Le Parti démocratique a en effet été rejeté dans l'opposition après les élections parlementaires de décembre. L'actuel gouvernement repose sur une coalition fragile entre nationalistes du Parti démocratique de Serbie (DSS), monarchistes du Mouvement serbe du renouveau (SPO) et libéraux du G 17. Le nouveau président a cherché hier à apaiser les tensions. «Je ne suis pas, a-t-il dit, un facteur de destruction, qui chercherait à renverser l'actuel gouvernement et à provoquer des élections anticipées. Une cohabitation entre un gouvernement et un président n'appartenant pas au même parti est possible.» Mais, au sein de son parti, certains le jugent déjà «trop complaisant». La scène politique serbe n'a sans doute pas fini de se réorganiser.