Annonce Le Bureau international du travail dénonce l'ampleur du travail forcé Au moins 12,3 millions de personnes sont victimes du travail forcé dans le monde, indique le Bureau international du travail (BIT) dans un rapport publié mercredi 11 mai, intitulé Une alliance mondiale contre le travail forcé. Selon cette étude, ce "fléau social" concerne surtout l'Asie (9,5 millions de travailleurs forcés) mais se développe en toute impunité partout dans le monde. L'Amérique latine et les Caraïbes comptent 1,3 million de travailleurs forcés, l'Afrique subsaharienne 660 000, le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord 260 000. Il y en a 360 000 dans les pays industrialisés et 210 000 dans les économies en transition. 56 % des travailleurs forcés sont des femmes et des filles, et 40 % environ des enfants de moins de 18 ans. Le travail forcé est défini par une convention internationale comme toute forme de travail non volontaire imposée sous la menace d'une sanction. Cette définition inclut aussi bien les détenus des camps de travail que la servitude pour dettes ou les travailleurs dont les patrons retiennent les salaires ou les papiers d'identité pour les empêcher de partir. "Il n'y a pratiquement aucune enquête ni aucune poursuite dans le monde" contre les responsables, déplore Roger Plant, qui a dirigé l'étude. "Le travail forcé est le revers de la mondialisation. Il bafoue les droits et la dignité des êtres humains", explique le directeur général du BIT, Juan Somavia. Selon le rapport, la plupart des victimes (9,8 millions) sont exploitées par un agent privé, notamment comme domestiques ou ouvriers agricoles, et 2,4 millions sont victimes de la traite des êtres humains. Au total, ce procédé rapporte 32 milliards de dollars par an à ceux qui les exploitent. "Y COMPRIS DE TRÈS GRANDS GROUPES" En Asie, le principal problème est celui des pauvres qui s'endettent et sont forcés de travailler pour leurs créanciers, principalement au Népal, en Inde et au Pakistan. Mais le rapport, qui sera discuté lors de la Conférence internationale du travail en juin prochain, montre qu'il s'agit d'un "problème mondial auquel sont confrontés tous les pays, toutes les régions du monde et tous les types d'économie". "Nous donnons des chiffres significatifs dans des régions où le travail forcé n'avait pas encore été repéré", a expliqué M. Plant. Si, pour l'essentiel, le travail forcé dans le secteur privé est une activité clandestine, il s'insinue dans l'économie traditionnelle par le biais de la sous-traitance, la tendance générale étant à réduire au maximum le coût du travail pour accroître la compétitivité. "Nous avons identifié des secteurs où le travail forcé risque de s'insérer dans la chaîne d'approvisionnement de groupes privés, y compris de très grands groupes", a déclaré M. Plant. Dans l'agriculture, la construction, les briqueteries ou les ateliers clandestins, l'exploitation économique forcée se répartit à parts à peu près égales entre les deux sexes. Cependant, l'exploitation sexuelle commerciale forcée concerne en majorité des femmes et des jeunes filles. Un cinquième de tous les travailleurs forcés sont victimes de la traite mais la proportion varie d'une région à l'autre, constate le rapport. En Asie, Amérique latine et Afrique subsaharienne, elle tombe à moins de 20 % mais grimpe à 75 % dans les pays industrialisés et en transition, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Le rapport signale le rôle joué par la migration, en particulier clandestine, et souligne que les contrôles inadaptés des agences de recrutement et des systèmes de sous-traitance, ainsi que la faiblesse de l'inspection du travail favorisent le travail forcé. Il appelle les gouvernements à renforcer l'arsenal législatif contre cette forme d'exploitation et à s'attaquer "aux racines du travail forcé, comme les systèmes agraires démodés ou les dysfonctionnements du marché du travail".