Annonce Le 14 juin 1830, les troupes françaises débarquent sur la plage de Sidi Ferruch, à 25 km d'Alger. La ville et le territoire de l'Algérie actuelle sont alors sous la suzeraineté théorique du sultan turc d'Istamboul depuis trois siècles sous le nom de «Régence d'Alger». Dans les faits, l'intérieur du pays est livré à l'abandon, insoumis et réticent à l'islamisation. La conquête française, si lourde de conséquences pour la France comme pour l'Algérie, résulte d'un imbroglio dérisoire. En 1798, le gouvernement du Directoire achète du blé à la Régence d'Alger pour les besoins de l'expédition du général Bonaparte en Égypte. Le blé est financé par un emprunt de la France auprès de familles juives d'Alger. Celles-ci demandent une garantie du dey qui gouverne la ville. En 1827, le dey d'Alger, Hussein, frappe «du manche de son chasse-mouches» le consul de France Deval, un affairiste qui refuse non sans insolence de s'engager sur le remboursement du prêt. Six navires de guerre français rapatrient illico le consul et les ressortissants français. Le président du ministère français, Villèle, demande réparation au dey pour l'offense faite à son consul mais n'obtient aucun semblant d'excuse. Sous le gouvernement Martignac, la flotte française tente d'organiser un blocus du port d'Alger mais il se révèle inefficace et quelque peu ridicule. La France tente de négocier mais le dey, encouragé par la «perfide Albion» (les Anglais), rejette ses propositions. Le 3 août 1829, un vaisseau parlementaire, la Provence, essuie même des coups de canon en quittant le port d'Alger.Une affaire intérieure L'affaire semble dans l'impasse quand, le 8 août 1829, le roi Charles X, de son propre chef, remplace le président du ministère par le prince Jules de Polignac, un ultra-royaliste très impopulaire auprès de l'opinion publique, à savoir les 60.000 bourgeois qui ont le droit de vote. Confronté à la fronde de 221 députés, le roi Charles X a besoin de restaurer au plus vite son image. C'est ainsi que, le 3 mars 1830, dans le discours du trône, il évoque pour la première fois l'idée d'une expédition punitive destinée à obtenir réparation de la dette ainsi qu'à détruire le repaire de corsaires installé dans la régence d'Alger et mettre fin à l'esclavage ! Le comte Louis de Bourmont, ministre de la Guerre dans le gouvernement Polignac, est nommé «Commandant en chef de l'expédition en Afrique» par ordonnance du 11 avril (l'expédition d'Alger lui vaudra un bâton de maréchal). Le corps expéditionnaire est placé sous les ordres de l'amiral Duperré et du général Berthézène. Les journaux de l'opposition multiplient les critiques, surtout à l'égard de Bourmont. «M. de Bourmont veut être maréchal : il mérite le bâton !» écrit Le Figaro. Les Anglais ne cachent pas non plus leur désapprobation mais rien n'y fait. La flotte appareille de Toulon le 25 mai 1830 avec 453 navires, 83 pièces de siège, 27.000 marins et 37.000 soldats. Prise d'Alger La flotte française bombarde les défenses d'Alger et en particulier la citadelle de Fort-l'Empereur, ainsi nommée en souvenir de... Charles Quint. Le dey capitule enfin le 5 juillet, après plusieurs jours de difficiles combats contre les troupes turques qui font 415 tués et 2160 blessés dans le corps expéditionnaire. Son trésor livre 48 millions de francs qui permettent de couvrir les frais de l'expédition. Les soldats français se livrent quant à eux à une mise à sac de la ville qui ternit leur victoire.Et maintenant... L'occupation d'Alger est accueillie avec indifférence par les Français. Le roi Charles X est chassé quelques semaines plus tard. L'opinion éclairée se désintéresse de la conquête. Le vieil économiste libéral Jean-Baptiste Say exprime avec une singulière prescience la vanité des aventures coloniales. Le jeune Alexis de Tocqueville (23 ans), séduit par l'aventure, figure parmi les rares personnalités françaises qui encouragent la colonisation de l'Algérie. Le roi Louis-Philippe 1er, qui succède à Charles X, maintient quelques troupes à Alger et sur le littoral simplement pour ne pas donner l'impression de céder à l'Angleterre qui demande le retrait de la France. Il souhaite se limiter à une occupation restreinte du littoral : Oran, Mostaganem, Bône et bien sûr Alger.
