Annonce Laurent Gbagbo se veut maître du jeu politique en Côte d'IvoireAbidjan redoutait de plonger à nouveau dans la violence, dimanche 30 octobre, date à laquelle aurait dû se tenir le premier tour de l'élection présidentielle en Côte d'Ivoire. La crainte a été vaine. Certes, ce ne fut pas un dimanche comme les autres, et quelques échauffourées ont eu lieu dans la capitale économique mais elles sont restées limitées.A l'origine des débordements depuis trois ans, les "patriotes", miliciens proches de la présidence, avaient annulé leur rassemblement. Et celui des "jeunes et des femmes houphouétistes", qui a drainé, malgré les craintes et les rumeurs, des milliers de personnes vers un stade d'Abdijan, n'a pas dégénéré. Quelques centaines de jeunes manifestants, excédés par la retenue de leurs responsables, ont bien tenté de marcher en direction de la présidence mais les tirs à balles réelles en l'air des forces de sécurité ont rapidement contribué à éclaircir leurs rangs. Aucune victime n'est à déplorer.Dans la partie nord de la Côte d'Ivoire qui échappe au contrôle d'Abidjan depuis septembre 2003, en revanche, des manifestations de rues contre le président Gbagbo ont eu lieu, notamment dans la deuxième ville du pays, à Bouaké, la "capitale" des rebelles des Forces nouvelles, ainsi qu'à Korhogo.DISCOURS DU PRÉSIDENTFort du calme qui a prévalu dimanche, le chef de l'Etat s'est adressé, en fin de journée, à ses concitoyens. C'était la seconde fois qu'il le faisait en une semaine. Lisant un texte devant les caméras, Laurent Gbagbo s'est employé à apparaître au cours de son intervention télévisée d'une dizaine de minutes comme un président maître du jeu politique et peu disposé à se laisser marginaliser.Après avoir rendu "la rébellion et les partis politiques qui la soutiennent" uniques responsables du report de l'élection présidentielle, Laurent Gbagbo a redit qu'il "continuera à garantir la continuité de l'Etat" conformément, a-t-il précisé, à un avis du Conseil constitutionnel sollicité par ses soins. "Je n'accepterai jamais la décapitation de l'Etat" , a ajouté le président avant d'évoquer la résolution récente du Conseil de sécurité des Nations unies qui, si elle l'a maintenu à son poste "pour une durée n'excédant pas douze mois" entend placer au côté de M. Gbagbo un premier ministre doté de "tous les pouvoirs nécessaires" pour organiser le scrutin."La communauté internationale nous enjoint d'achever ce processus [électoral] dans douze mois au plus tard. Je souhaite, pour ma part, que les élections aient lieu bien avant ces douze mois, et c'est la mission que je confierai au premier ministre que nous désignerons dans quelques jours", a indiqué le chef de l'Etat avant de conclure sur un : "Il nous faut aller aux élections."La nomination du futur premier ministre va de fait occuper le calendrier la Côte d'Ivoire cette semaine. Sans attendre, les Forces nouvelles ont annoncé, dimanche, soir avoir désigné leur secrétaire général, Guillaume Soro, pour occuper le futur poste. Sans doute ne faut-il y voir qu'une provocation des rebelles dans la mesure où la résolution du Conseil de sécurité parle d'un premier ministre "acceptable pour tous" alors que, par ailleurs, les Forces nouvelles ont annoncé leur rejet de la résolution du Conseil de sécurité.La tâche de négocier pour trouver un chef du gouvernement consensuel incombe aux dirigeants africains, notamment aux deux chefs d'Etat les plus impliqués par le dossier ivoirien : le président nigérian, Olusegun Obasanjo, et son homologue sud-africain, Thabo Mbeki.Le décès brutal de l'épouse du président nigérian a chamboulé le calendrier onusien qui prévoyait la nomination du premier ministre avant le 31 octobre. Le délai ne sera pas respecté mais la nomination pourrait intervenir rapidement. C'est en effet probablement mardi que les deux chefs d'Etat viendront à Abidjan pour tenter de dénicher celui qui aura la tâche de conduire la Côte d'Ivoire à l'élection présidentielle. "Ils ne viennent pas les mains vides. Les discussions sont déjà bien avancées" , confiait, samedi, un haut responsable des Nations unies. De fait, le temps presse.
