Mort de L'artiste belge Pol Bury
Mort L'artiste belge Pol Bury est mort mardi 27 septembre à Paris, à l'hôpital Georges-Pompidou. Il était âgé de 83 ans.Né le 26 avril 1922 à Haine-Saint-Pierre, dans la partie wallonne de la Belgique, Pol Bury suit, dès sa seizième année, des cours de dessin et de décoration à l'Académie des beaux-arts de Mons. En 1938, il entreprend un premier grand voyage à travers la France, à bicyclette, avec la même lenteur qu'il donnera plus tard aux mouvements qui animent ses sculptures, et dont il se souviendra sans doute lorsqu'il publiera, en 1972, un de ses ouvrages semi-théoriques, semi-philosophiques, mais plein d'un humour décapant, L'Art à bicyclette et la révolution à cheval (Gallimard).Révolutionnaire, Pol Bury le fut, à partir de sa rencontre en 1938 avec les poètes Achille Chavée et André Lorent. Chavée a participé à la guerre d'Espagne, dans les rangs républicains. Le jeune Pol Bury trouve en lui un ami : "Chavée m'a fait découvrir la révolte. Ou mieux, la mise en question de l'univers conventionnel, qui était le seul que je connaissais (artistiquement parlant)", dira-t-il. Il rejoint donc le groupe de recherches surréalistes Rupture, puis, lors de la scission de celui-ci en 1939, participe avec Chavée au Groupe surréaliste en Hainaut qui suit la ligne du Parti communiste. C'est dans ce contexte que Pol Bury découvre la peinture d'Yves Tanguy et celle de René Magritte, qui influenceront ses premiers tableaux."FAIRE SOURIRE UN CARRÉ"Durant les années de guerre, il cesse de peindre : "Rester en vie occupait les journées et les nuits", explique-t-il. En fait, la journée, il travaille à l'usine. La nuit, il rejoint la résistance belge. Ses premières expositions datent de la Libération : il participe à l'"Exposition du surréalisme", à la galerie La Boétie de Bruxelles, un manifeste pour l'histoire de l'art d'après-guerre en Belgique, puis fait son premier accrochage personnel à la mythique galerie bruxelloise de Lou Cosyn, qui ne vend rien.Parlant de sa peinture de l'époque, Pol Bury dit simplement : "J'étais arrivé à faire des tableaux présentables." C'est pourtant le moment, vers 1947, qu'il choisit pour s'orienter vers l'abstraction. Ses amis surréalistes le jettent dehors : "Cette animosité me fit aussi tourner le dos à leur peinture et je devins plus formaliste..." Pol Bury rencontre alors Pierre Alechinsky, puis, en 1949, le poète Christian Dotremont, cofondateur en 1948 du groupe Cobra auquel, pour un temps, il sera associé. Mais s'il apprécie la liberté de création qu'apporte alors Cobra, sa propre pratique, qui l'oriente vers une abstraction de plus en plus rigoureuse, l'en éloigne.La visite en 1950 de l'exposition Calder à la galerie Maeght de Paris le bouleverse : "L'univers de Calder était proche des formes de l'abstraction froide, mais, au lieu de les emprisonner dans le carcan du tableau, il les avait lancées dans les airs..." Pourtant, et jusqu'en 1953, Bury se sent plus proche de la peinture d'un Mondrian, tout en étant fasciné par l'univers de Miro. Il voulait, disait-il, "faire sourire un carré, comme Miro le faisait avec des formes plus libres".En 1953, il réalise ses premiers reliefs mobiles, que les spectateurs sont invités à faire bouger. Puis, l'année suivante, il les équipe d'un moteur. C'est avec ces "Plans-Mobiles" qu'il participe, en 1955, à l'exposition Le Mouvement, organisée à la galerie Denise René à Paris, qui marque les débuts du cinétisme.Il explore, les années suivantes, les différentes possibilités du relief ou de la peinture animée, le plus souvent à l'aide de moteurs. Puis, au début des années 1960, alors qu'il vient de s'installer à Paris et expose chez la fantasque mais brillante Iris Clert, ses oeuvres prennent la forme de meubles, caisses de bois ouvertes en façade, à l'intérieur desquelles des sphères sont agitées de mouvements souvent imperceptibles.En 1964, Pol Bury représente la Belgique à la Biennale de Venise, et participe à la Documenta de Cassel. Cette soudaine visibilité internationale suscite l'intérêt des Américains, et déclenche sa première exposition à New York, à la Lefebre Gallery. Huit jours avant le vernissage, tout est vendu. Dès lors, il séjourne régulièrement aux Etats-Unis.En 1967, le métal poli remplace le bois, et Bury ajoute ainsi à son oeuvre les reflets de la matière qui perturbent un peu plus la perception des mouvements qu'en a le spectateur. Et ce d'autant plus que les déplacements des éléments les uns par rapport aux autres deviennent encore plus lents et imperceptibles. En 1969, avec la commande d'une fontaine pour l'université de l'Iowa, l'eau intervient comme nouvel élément, se mêlant à l'inox, provoquant (à partir de 1976) ou contrariant parfois le mouvement. La même année, Pol Bury entre à la galerie Maeght.Il est alors saisi par la tentation de réaliser des oeuvres monumentales, comme les 4 087 Cylindres érectiles aujourd'hui conservés au Centre Pompidou, ou les Vingt-cinq tonnes de colonnes, réalisées en 1973 grâce au soutien de la régie Renault. Enfin, Bury s'intéresse de plus en plus, au cours des années 1970, aux sons produits par les mouvements de ses oeuvres, tentant d'en harmoniser l'acoustique. Ses fontaines connaissent un succès grandissant. Il en réalise pour la fondation Maeght de Saint-Paul-de-Vence, pour le Guggenheim Museum de New York, ou pour les jardins du Palais-Royal à Paris.En 1997, Pol Bury entre à la galerie Louis-Carré, qui expose sur son stand à la FIAC en 1999 une sculpture hydraulique en acier poli de 12 m2. Il travaille ensuite dans des directions très diverses, dont une série d'oeuvres photographiques retouchées à l'ordinateur, passant à la moulinette d'un humour pince-sans-rire, les oeuvres des maîtres du passé.