Anniversaire L'Arménie commémore les 90 ans du génocide1,5 million de manifestants étaient attendu dimanche 24 avril à Erevan, capitale de l'Arménie. Un chiffre symbolique, celui du nombre de victimes du génocide arménien par les soldats de l'Empire ottoman, entre 1915 et 1923. Si aucune estimation officielle n'a été donnée, des centaines de milliers d'Arméniens, tulipes, jonquilles et oeillets à la main, ont gravi la colline Tsitsernakaberda pour commémorer le 90e anniversaire du massacre. En pleurs ou en silence, ils ont déposé les fleurs devant le monument aux victimes, alors qu'une prière était récitée par le catholicos Karékine II, chef de l'Eglise apostolique arménienne. De là, la foule pouvait voir les cimes du mont Ararat, aujourd'hui situé dans l'est de la Turquie, où s'est déroulé le massacre, lors de la désintégration de l'empire ottoman. MINUTE DE SILENCE "Cela fait déjà trente ans qu'en ce jour, je viens tôt le matin au mémorial. J'y dépose six tulipes, autant que le nombre de morts dans ma famille au temps du génocide", témoigne dans la foule recueillie Mikhitar Haroutounian, en s'approchant du monument sur lequel a été suspendue une grande affiche avec les photos de 90 survivants du génocide. Comme beaucoup, le vieil homme de 74 ans dit être venu pour "rappeler au monde ce crime pour lequel personne jusqu'ici n'a répondu et ne s'est excusé", alors qu'Ankara refuse de reconnaître le terme de génocide malgré les demandes répétées d'Erevan."Qui se souvient aujourd'hui du génocide des Arméniens?", s'interroge un peu plus loin dans la foule Achot Arevian, venu avec sa femme Asmik. "Si à l'époque le génocide arménien avait été condamné, il n'y aurait pas eu d'Holocauste" des juifs pendant la Seconde guerre mondiale, ajoute-t-il. Une minute de silence a été observée à travers tout le pays à 19 heures, heure locale (14 heures GMT), après une messe oecuménique célébrée dans la cathédrale Saint-Grégoire d'Erevan, avec des prières récitées par des représentants des Eglises catholique, anglicane, grecque et russe orthodoxe."PERPLEXITÉ" Le 24 avril 1915, pendant Première guerre mondiale, les autorités turques avaient arrêté 200 leaders de la communauté arménienne, donnant le signal de ce que l'Arménie considère comme le début d'un génocide planifié pour éliminer la minorité arménienne de l'Empire ottoman. Il y a 90 ans de cela, "a été commis un crime sans précédent dans l'histoire de notre peuple et de toute l'humanité", a déclaré le président Kotcharian dans une adresse à la Nation. Il a cependant fait un geste en direction de la Turquie en assurant que l'Arménie était "prête à construire des relations naturelles avec la Turquie", avec laquelle Erevan n'a toujours pas établi de relations diplomatiques. "Cependant la dénégation de la Turquie suscite non seulement notre perplexité, mais celle de la communauté internationale toute entière", a-t-il ajouté.La Turquie rejette catégoriquement la thèse d'un génocide, estimant qu'il s'agissait d'une répression dans un contexte de guerre civile où les Arméniens se sont alliés aux troupes russes qui avaient envahi la Turquie. Elle objecte souvent que des milliers de Turcs ont également été tués par des Arméniens entre 1915 et 1917 et limite son acceptation du nombre de victimes arméniennes à entre 300 000 et 500 000 morts. Voici huit jours, le Parlement turc, faisant un pas, a invité l'Arménie à s'associer à une commission mixte qui aurait libre accès aux archives des deux pays pour enquêter sur les massacres en question.COMMÉMORATIONS DANS LA DIASPORA Le 90e anniversaire du génocide arménien intervient dans un contexte de pressions accentuées pour que la Turquie reconnaisse le génocide : le Parlement polonais, à l'instar de 15 autres pays, notamment européens, vient de qualifier le massacre de génocide et un débat a été ouvert au Parlement allemand. Et le président du parti de centre-droit français UDF François Bayrou, présent à Erevan, a annoncé le dépôt d'une résolution devant le Parlement européen pour que soit reconnu le terme de "génocide arménien", évoquant sa reconnaissance par la Turquie comme une condition à son éventuelle adhésion à l'Union européenne. Alors que des milliers de membres de l'importante diaspora arménienne était venus à Erevan, quelque 350 000 personnes ont manifesté en France. Ils étaient plus de 500 à Athènes et d'un millier à Lviv, dans l'ouest de l'Ukraine. A Paris, Le premier secrétaire du Parti socialiste, François Hollande, a annoncé sa décision de proposer une loi qui pénaliserait ceux qui nient la réalité du génocide arménien de 1915.
