Procès L'ancien international de rugby est resté sans voix, hier, au premier jour de son procès pour le meurtre de sa femme en 2004. Cécillon, pilier brisé La masse assise dans le box des accusés semble constituée d'un seul bloc Un quintal de muscles difficilement contenu par un costume noir. Comm vissé directement sur le torse, le visage empourpré par une couperose pein à sortir de l'encolure blanche de la chemise. Le regard, souvent, rest baissé. Marc Cécillon, 47 ans, ancien international de rugby, comparai depuis hier jusqu'à vendredi devant la cour d'assises de l'Isère pour l meurtre de sa femme Chantal Cécillon. L'ancien capitaine du XV de France abattu la mère de ses deux filles le 7 août 2004 de cinq balles dans le corps Les coups ont été tirés presque à bout portant, devant une cinquantaine d témoins lors d'une soirée chez des amis. Marc Cécillon, sportif de hau niveau à la reconversion difficile, était soûl. Comme souvent Préméditation. Il risque la prison à perpétuité, la préméditation de son geste ayant été retenu contre lui. Après une altercation durant cette soirée, Marc Cécillon était en effet reparti chez lui chercher son revolver. A quelques mètres de lui, sur les bancs des parties civiles, Angélique et Céline, ses deux filles âgées de 22 et 24 ans, évitent le regard de leur père. Elles ne lui ont pas rendu visite durant ses deux ans de détention. A l'époque des faits, le couple parental était en crise. Chantal Cécillon voulait divorcer. Marc ne le supportait pas. Durant ce procès, la partie civile entend défendre la thèse du crime passionnel. Mais, en ce premier jour d'audience, les débats se sont déplacés sur un autre terrain, celui de la déroute d'un sportif de haut niveau. D'un homme pour qui le rugby était «la raison de vivre», selon les termes du président de la Fédération française, Bernard Lapasset. Et à qui cette «grande famille» n'a pas su accorder la place due au héros à l'issue de sa carrière. Marc Cécillon est entré «au» rugby à l'âge de 7 ans, est venu expliquer à la barre sa mère, Solange Cécillon. La famille, dont même les femmes paraissent taillées dans la même charpente de colosse, baigne dans le rugby. Le père était rugbyman. Le grand-père aussi. Marc, seul garçon au milieu de quatre soeurs, est naturellement orienté vers le ballon ovale, religion familiale et locale. Cécillon n'aime pas l'école. Il n'y restera pas longtemps. A 14 ans, il part en apprentissage chez un pâtissier, lui aussi passionné de rugby. Ses horaires sont aménagés pour qu'il puisse se consacrer au sport. Il s'y consacra durant trente ans. Dont vingt-deux ans passés au CSBJ, le club de Bourgoin-Jallieu, dont il a été longtemps la figure emblématique. Cécillon a fait une carrière exceptionnellement longue. Serge Simon, médecin et ancien international est venu expliquer devant la cour d'assises que ce n'était peut-être pas un hasard. «Il avait une incapacité à quitter le seul monde qu'il a jamais connu. Où il excellait. Il appréhendait l'extérieur, la suite.» Serge Simon, qui dirige à Bordeaux un centre médical d'accompagnement pour les sportifs de haut niveau compare le parcours de son ancien coéquipier à celui des footballeurs totalement désorientés en fin de carrière après avoir été pris en charge pendant des années par le milieu sportif. «Ils sont dans un tunnel, et ne comprennent pas quand ils en sortent.» Selon lui, cette difficulté est exacerbée pour ceux qui, comme Cécillon, n'ont pas tous les outils pour passer à autre chose. Durant l'audience, plusieurs témoins, dont Bernard Lapasset, ont évoqué les «difficultés de communication» de l'ancien joueur. Celui-ci raconte ses problèmes pour «aligner des phrases complètes». Hier, Marc Cécillon a laissé son avocat s'exprimer pour lui. «J'ai du mal à parler de moi», a-t-il reconnu. Errance. Depuis sa retraite forcée du CSBJ en 1997, malgré quelques tentatives, Marc Cécillon n'a jamais réussi à occuper des fonctions autres que joueur dans le monde du rugby. Ont suivi des années d'errance. Les soirées alcoolisées se succèdent. Les dérapages aussi. Le colosse perd pied, mais, à Bourgoin-Jallieu, personne n'ose dire quoi ce soit au héros local. Pendant ce temps, sa femme, Chantal s'éloigne peu à peu. Angélique et Céline Cécillon ont écouté, impassibles sur leur banc, ces témoignages de proches, joueurs professionnels, dirigeants et experts du rugby, venus raconter les difficultés de reconversion professionnelle de leur père. Durant quelques secondes, leur regard a croisé le sien. Le visage de Marc Cécillon tente de sourire à ses filles. Son expression est maladroite, paralysée par l'émotion. Elles ont baissé les yeux.