Anniversaire L'Allemagne commémore le bombardement de Dresde en 1945 Les autorités allemandes ont adopté, vendredi 11 février, des mesures visant à interdire les défilés néonazis dans les lieux "sensibles", en empêchant notamment qu'ils se tiennent près de monuments à la mémoire de l'Holocauste. Des milliers de manifestants d'extrême droite menaçaient de manifester à l'occasion des commémorations officielles du bombardement de Dresde, les 12, 13 et 14 février 1945, par l'aviation alliée. Leur intention est de faire passer l'Allemagne pour la grande victime de la seconde guerre mondiale, tout en éludant les atrocités commises par le régime nazi. Le rassemblement pourrait être le plus important organisé par l'extrême droite depuis 1945, et provoque l'embarras dans une Allemagne soucieuse de ne pas privilégier certains souvenirs aux dépens d'autres.Berlin de notre correspondantComme les Britanniques, qui, pour honorer leurs morts de la Grande Guerre, arborent à leur revers un coquelicot, les milliers d'Allemands qui devaient participer, dimanche 13 février, aux cérémonies commémoratives marquant le 60e anniversaire des bombardements alliés sur Dresde et la réouverture de la Frauenkirche enfin restaurée devaient porter la boutonnière une rose blanche. La fleur évoque le petit groupe de résistants rassemblés autour de deux étudiants antinazis de Munich, Hans et Sophie Scholl, exécutés en février 1943. Le port de la rose blanche vise à honorer les morts des bombardements mais aussi toutes les victimes du national-socialisme et de la deuxième guerre mondiale. "La rose blanche exprime la volonté des habitants de Dresde d'empêcher que le souvenir des bombardements ne soit instrumentalisé au profit d'idéologies, de comportements et d'actions antidémocratiques et inhumaines", ont précisé les initiateurs de la démarche.La fleur n'a cependant pas arrêté les néonazis du Parti national-démocrate (NPD). Habiles à détourner symboles, mots et souvenirs, ils ont fait savoir qu'ils la porteraient, eux aussi. Non pas pour honorer les Scholl ou les victimes du régime hitlérien, mais pour manifester et dénoncer "l'holocauste par les bombes", ainsi qu'ils appellent les bombardements anglo-américains qui, en février 1945, détruisirent entièrement la capitale de la Saxe, faisant des dizaines de milliers de morts parmi la population civile.Les services de sécurité du Land estiment que le NPD pourrait aligner dans la rue de 3 000 à 5 000 manifestants ; quelque 2 000 autres devraient défiler contre l'extrême droite. Le principal travail de la police, qui a mobilisé pour l'occasion d'importants effectifs, sera d'empêcher que les deux cortèges n'entrent en contact et n'en viennent violemment aux mains, comme cela s'est produit dans le passé.Depuis qu'à la faveur des dernières élections régionales, en septembre 2004, il a réussi à placer douze des siens au Landtag de Saxe, le NPD mène avec pugnacité une politique qui vise à regrouper autour de son drapeau toutes les familles de l'extrême droite éparpillées en divers groupuscules. Mais c'est sur le terrain historique que les néonazis sont les plus actifs, là où les convictions extrêmes peuvent facilement voisiner avec la confusion ou le malaise culpabilisateur que ressentent nombre d'Allemands lorsqu'il s'agit de leur histoire récente."Holocauste" et "extermination", habituellement employés pour décrire les camps de la mort nazis, sont aujourd'hui des mots dont se sert le NPD pour désigner les bombardements alliés. Sur le modèle du "jour du souvenir" dédié aux victimes de la dictature hitlérienne, le NPD réclame un "jour du souvenir" pour les victimes de ce "crime singulier" qu'est le bombardement de Dresde. Comme il en existe pour la Shoah, il demande la création d'un centre de recherche et de documentation consacré aux bombardements. "Nous n'aurons de cesse d'agir pour qu'aucun nouveau monument accusant le peuple allemand ne soit construit ; nous voulons que soient plutôt érigés des lieux de mémoire honorant les Allemands tués dans les bombardements de Dresde, Hambourg, Berlin", vient de déclarer Holger Apfel, président du groupe NPD au Landtag de Saxe.PROVOCATIONSLe NPD et ses déclarations ne doivent pas "fixer l'ordre du jour politique", a estimé, dans un entretien accordé au quotidien Berliner Zeitung, le ministre de l'intérieur du Land de Saxe, Thomas de Maizière. C'est pourtant bien ce qu'il fait depuis deux semaines, grâce à ses députés au Landtag saxon et quelques provocations verbales, forçant droite et gauche à s'interpeller quotidiennement sur leurs responsabilités respectives dans l'émergence du parti d'extrême droite. Echaudé par un premier échec, en mars 2003, le gouvernement répugne à engager de nouvelles poursuites en dissolution contre une formation pourtant unaniment désignée comme "anticonstitutionnelle".A l'issue d'une réunion avec ses homologues des Lãnder, le ministre de l'intérieur fédéral, Otto Schily, a ainsi réitéré son "scepticisme" devant les chances de succès d'une nouvelle procédure d'interdiction. Mais en compagnie de sa collègue du ministère de la justice, Brigitte Zypries, il vient d'annoncer que le gouvernement allait prochainement durcir la législation qui punit l'apologie du nazisme ou organise la liberté de manifestation. Les rassemblements de l'extrême droite aux abords des camps de concentration ou devant les monuments aux victimes du national-socialisme devraient être bientôt interdits. Il y a peu, le NPD avait annoncé que, pour lutter contre "le culte de la culpabilité" et "le mensonge de la libération", il défilerait devant le monument érigé à la mémoire des juifs d'Europe assassinés par les nazis qui doit être inauguré le 8 mai, à Berlin.
