Scandale L'agent secret italien avait été tué à Bagdad lors de la libération de Giuliana Sgrena. Mort de Calipari: Washington rejette la faute sur les Italiens a faute aux Italiens. En présentant, samedi à Bagdad, les conclusions officielles de l'enquête du Pentagone sur la mort, le 4 mars dernier, de l'agent des services secrets italiens Nicola Calipari, tué par des tirs américains alors qu'il exfiltrait l'otage Giuliana Sgrena à peine libérée, le général Peter Vangjel n'a pas seulement «recommandé qu'aucune mesure disciplinaire ne soit prise contre aucun soldat». Implicitement, il a aussi rejeté la responsabilité de la fusillade mortelle sur les Italiens, qui n'auraient pas suffisamment informé leurs alliés de l'opération. «Une coordination préalable aurait vraisemblablement pu prévenir cette tragédie», a-t-il déclaré. Coups de semonce. Pour le Pentagone, les soldats du check point mobile 541, situé juste avant l'aéroport de Bagdad, ont «agi en conformité avec les règles d'engagement». Selon le rapport, résumé dans un document de 42 pages et truffé de paragraphes caviardés pour protéger, entre autres, l'identité des militaires entendus par les enquêteurs, la patrouille aurait effectué les sommations d'usage : «A 20 h 50, soit vingt minutes après la libération de la journaliste, un des soldats du check point a vu l'automobile qui s'approchait à environ 140 mètres de sa position et a lancé des signaux lumineux sans que la voiture ne ralentisse», explique le rapport, indiquant que le véhicule roulait au moins à 80 km/h. L'un des soldats aurait alors tiré deux ou quatre coups de semonce avant qu'un autre ne pointe sa mitrailleuse en direction de la Toyota Corolla pour tenter de toucher le moteur. En réalité, les balles frappent mortellement Nicola Calipari, situé à l'arrière du véhicule avec Giuliana Sgrena. «Il s'est agi d'une erreur tragique», conclut le rapport, qui admet «l'inexpérience» des soldats qui effectuaient leur premier jour de service à Bagdad. Rome continue de contester cette version, sur la base des témoignages de la journaliste du Manifesto et du major Carpani, l'agent du Sismi (services secrets italiens) qui conduisait le véhicule. Selon eux, la voiture ne dépassait pas les 40/50 km/h en dépit des indiscrétions de la chaîne CBS selon laquelle le Pentagone disposerait d'images satellite prouvant que la Toyota Corolla circulait à 96 km/h. Les deux témoins soutiennent également qu'aucune sommation n'a été lancée : «Les projecteurs se sont allumés à l'improviste et nous avons été immédiatement touchés.» Conclusions. Pour ces raisons, les autorités italiennes ont refusé de cautionner les conclusions de l'enquête du Pentagone et présenteront aujourd'hui leur propre dossier. «Nous ne pouvions contresigner une reconstitution qui ne correspond pas à ce qui s'est passé ce soir-là», a indiqué vendredi le ministre des Affaires étrangères, Gianfranco Fini. Mais au-delà des conditions de la fusillade, les divergences les plus embarrassantes portent sur les communications entre les deux alliés. Les Italiens affirment que, depuis Bagdad, le général Mario Marioli, vice-commandant de la force multinationale en Irak, aurait averti le capitaine américain Green, chargé de délivrer les laissez-passer à l'aéroport, que l'otage avait été libérée et qu'elle était déjà en route. «Personne n'a été informé de l'opération», ont insisté samedi les responsables du Pentagone. Selon le quotidien La Repubblica, l'enquête américaine indiquerait que le général Mario Marioli aurait bien parlé avec le capitaine Green, mais qu'il lui aurait demandé de garder le secret. Pourquoi Mario Marioli aurait-il pris ces risques ? Les autorités italiennes ont-elles préféré ne pas avertir en détail les Américains de l'opération pour éviter de devoir rendre des comptes à leurs alliés sur les conditions de la libération de Giuliana Sgrena ? Washington n'a jamais accepté l'idée de négocier avec les ravisseurs, estimant notamment que le paiement d'une rançon renforçait les terroristes. «Silvio Berlusconi doit venir devant le Parlement pour clarifier la situation et le gouvernement doit exiger que les Etats-Unis fournissent toutes les informations nécessaires», a commenté le secrétaire des démocrates de gauche, Piero Fassino, tandis que le ministre (Ligue du Nord) Roberto Calderoli estimait «qu'à la lumière des divergences» sur l'enquête, «il est opportun d'engager une réflexion sur le rappel de notre contingent» déployé en Irak.