Liberation L'affaire She Xianglin remue la justice chinoiseCondamné à 11 ans de prison pour le meurtre de sa femme — qu'il n'a pas commis, ce Chinois de 39 ans a été libéré mercredi • Même la presse officielle chinoise dénonce le scandale de l'enquête bâclée et l'emploi de la torture.She Xianglin est Chinois et il a 39 ans. Il a fait onze ans de prison pour le meurtre de sa femme. Mais sa femme n'est pas morte: elle vivait avec un autre homme dans une lointaine province. Comme elle est réapparue, She Xianglin a été relâché. Mercredi, un tribunal de préfecture de Jingzhou, dans la province d'Hubei, au centre du pays, l'a rejugé: innocent. She Xianglin a eu de la chance. Quand son épouse a disparu, en 1994, et que la police a découvert un corps de femme décomposée dans un réservoir près de chez lui, son compte était bon. Les limiers sont en effet persuadés que le jeune garde de sécurité a assassiné sa légitime. Ils ne s'embarrassent pas de tests ADN et passent aux interrogatoires. Obtiennent des aveux. Et une condamnation à mort avec exécution immédiate par deux tribunaux populaires. «Heureusement», raconte le Quotidien du peuple dans un article récent (à lire en français, le Tribunal Populaire Suprême du Hubei, décelant des «points troublants» dans l'affaire, transforme la sentence en une peine de prison de 15 ans.»La presse officielle chinoise n'a pas manqué de dénoncer le scandale de l'enquête judiciaire bâclée et l'emploi de la torture. «Et ce cas est loin d'être isolé», écrit le Quotidien du peuple. «Bien qu'illégale, la pratique des aveux forcés est largement employée par la police pressée par la hiérarchie de résoudre les affaires criminelles» continue le journal du Parti communiste chinois. L'Association des avocats de Chine s'en est pris aux «lacunes du système judiciaire local tout entier», mettant dans le même panier d'opprobre policiers, procureurs et juges. Un de ses responsables a opportunément fait remarquer que «Si She avait bénéficié des services d'un avocat commis d'office, les choses se seraient passées différemment». Comme le prévoit la loi, She Xianglin va demander une compensation auprès des autorités judiciaires.
