Annonce L'acidification des océans menace la chaîne alimentaire de l'océan AustralL'acidification des océans va-t-elle bouleverser, d'ici à 2030-2050, les écosystèmes marins ? Sans doute, si l'on en croit une étude internationale publiée jeudi 29 septembre dans la revue Nature et menée par une dizaine de laboratoires allemands, américains ou encore français. Selon eux, la croissance du taux de dioxyde de carbone dans l'atmosphère va provoquer, à plus ou moins brève échéance, une acidification des mers telle que certains organismes à squelette externe ne pourront plus y subsister. Au cours du XXe siècle, le pH moyen des océans a chuté de 0,1 unité. Cette tendance va s'accélérer au cours du XXIe siècle et une baisse du pH de 0,3 à 0,4 unité est prévue d'ici à 2100.Forte réduction de la calotte glaciaire arctiqueLa calotte glaciaire arctique s'est fortement réduite cette année et ce pour le quatrième été consécutif, ont indiqué, mercredi 28 septembre, des scientifiques américains. Ce phénomène, attribué au réchauffement du climat, va probablement s'accélérer. "Etant donné le bas niveau record des glaces cette année à l'approche de la fin septembre, 2005 va presque certainement surpasser 2002 pour la plus faible superficie de glace dans l'Arctique depuis plus d'un siècle" , a déclaré Julienne Stroeve du Centre américain de données sur les neiges et les glaces (NSIDC). "A ce rythme, l'Arctique n'aura plus de glace pendant la saison d'été bien avant la fin de ce siècle" , a-t-elle ajouté. La zone gelée de l'océan Arctique est normalement réduite à son minimum en septembre, à la fin de la fonte d'été. Le 21 septembre 2005, la banquise n'était que de 5,32 millions de km2, soit la plus faible superficie jamais mesurée par les satellites, ont précisé les scientifiques dans un communiqué. Les experts du NSIDC ont calculé que la calotte glacière de l'Arctique se réduisait de 8 % environ tous les dix ans. (AFP.)[-] fermer"En fonction des différents scénarios de développement, explique Patrick Monfray, coauteur de cette publication et chercheur au laboratoire de géophysique et d'océanographie spatiales (CNRS, IRD, CNES et université Toulouse-III), nous avons montré que l'acidité de l'océan allait croître jusqu'à ce que, aux hautes latitudes polaires, certains organismes pourvus de coquilles calcaires se trouvent dans une eau si acide qu'elle serait susceptible de dissoudre leur carapace." Si les émissions de CO2 ne sont pas maîtrisées (scénario dit "business as usual" ), ce seuil sera atteint vers 2030, estime M. Monfray. Si, au contraire, la concentration de gaz carbonique est stabilisée à 650 ppm (parties par million), il sera atteint autour de 2050.Les organismes dont la coquille est formée de calcite ne devraient pas être les premiers touchés. En revanche, ceux dont le squelette externe est constitué d'aragonite (CaCO3, ou carbonate de calcium) sont particulièrement menacés.C'est notamment le cas des mollusques planctoniques nommés ptéropodes. Or ces organismes revêtent une importance particulière. "Ils sont un maillon important de la chaîne alimentaire de l'océan Austral, explique Patrick Onfray. Potentiellement, il peut y avoir des phénomènes de cascades à grande échelle" touchant une large gamme d'espèces (cétacés, saumons, etc.).Ces faits sont d'autant plus préoccupants que, si la tendance actuelle perdure, le phénomène devrait toucher, vers 2100, non seulement les hautes latitudes, mais également des zones plus méridionales comme le Pacifique nord.La publication de ces travaux intervient alors que plusieurs recherches ont récemment mis en évidence d'importantes modifications dans la répartition de la faune planctonique.ÉPONGER LES EXCÈSDans l'Atlantique nord, par exemple, certains planctons migrent vers le nord sous l'effet du réchauffement des eaux de surface (Le Monde du 20 septembre 2004). Entre acidité croissante au nord et augmentation de la température plus au sud, la dynamique de ces espèces sera donc profondément bouleversée à court terme.Les récifs coralliens dans lesquels niche une abondante biodiversité pourraient également souffrir de l'acidification des mers, ajoutent les chercheurs. Cependant, ce point demeure discuté. Une étude controversée, publiée en décembre 2004 dans la revue Geophysical Research Letters, concluait que les coraux pourraient au contraire tirer profit du réchauffement. En effet, si la baisse du pH tend à réduire la teneur de l'eau de mer en aragonite (et donc à ralentir les phénomènes de calcification), l'augmentation de la température de l'eau contrebalancerait cette tendance.Même si ces discussions demeurent dans la communauté scientifique, l'acidification des océans est l'objet d'inquiétudes croissantes. Car elle conduit en outre à la réduction de la capacité océanique à absorber le CO2 d'origine anthropique. Plus l'océan est acide, moins il est capable d'éponger les excès produits par l'homme.En somme, explique M. Onfray, c'est "une boucle de rétroaction positive". Or cet effet tampon de l'océan ne peut être négligé car les eaux de surface absorbent plus du tiers des rejets de gaz carbonique engendrés par la combustion des ressources fossiles.
