Annonce La "télévision du pape" quitte Rome Tele Pace, considérée comme la télévision officieuse du pape, a fermé sa rédaction à Rome. La décision est devenue effective du jour au lendemain. Brusquement, les téléspectateurs ont été privés courant octobre du télé-journal quotidien qui, depuis seize ans, est consacré exclusivement à l'actualité du Vatican. Terminées également les retransmissions, commentées en direct, des bénédictions du mercredi et du dimanche sur la place Saint-Pierre. Dire que l'événement a provoqué un séisme serait exagéré, mais le Vatican cache mal son embarras. Tele Pace est une chaîne privée, totalement indépendante, mais elle est tellement identifiée aux activités du chef de l'Eglise que le doyen du corps diplomatique auprès du Saint-Siège, l'ambassadeur de Saint-Marin, Giovanni Galessi, a fait part de sa "surprise" à la secrétairerie d'Etat. Bien que minuscule, Tele Pace bénéficie d'un prestige planétaire depuis qu'elle est montée sur le satellite en 1996. La quasi-totalité des télévisions catholiques du monde reprennent ses images et, surtout, l'entretien hebdomadaire réalisé par le journaliste vedette de la chaîne, Piero Schiavazzi, diffusé chaque dimanche après l'angélus. José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne, aura été le dernier invité d'une liste impressionnante de célébrités internationales. Le vaticaniste de Tele Pace a reçu en tête-à-tête plus de 150 chefs d'Etat et de gouvernement, ainsi que les personnalités les plus influentes de la planète : de Mère Teresa à Nelson Mandela, de Bill Clinton à Mikhaïl Gorbatchev, mais aussi Yasser Arafat, Yitzhak Rabin, Shimon Pérès, Lech Walesa, sans oublier Silvio Berlusconi et les successifs présidents de la République italiens. La starisation de Piero Schiavazzi a culminé lorsqu'un magazine italien l'a photographié en compagnie de Yasser Arafat : une double page titrée "Qui est ce type barbu à côté de Schiavazzi ?". Preuve de la notoriété du rendez-vous dominical du journaliste : Laura Bush n'a accordé que deux interviews lors de son dernier passage à Rome en février, l'une à la chaîne américaine Fox, l'autre à Tele Pace. Pour la direction de "la télévision du pape", la fermeture de la rédaction romaine est "un choix douloureux" rendu nécessaire par "une baisse de 80 % des dons" qui sont l'unique source de financement de la chaîne. Faux, répond la rédaction, pour qui les comptes sont florissants. La chaîne ne vient-elle pas d'ouvrir deux bureaux permanents à Jérusalem et à Fatima ? L'antenne de Vérone, siège historique de "la télévision du pape", n'a pas été touchée par des restrictions budgétaires. En fait, selon les trois journalistes du télé-journal quotidien, la vraie raison est à chercher dans le conflit qui les oppose depuis des années à don Guido Todeschini, le patron fondateur de Tele Pace. Surnommé "le Berlusconi de Dieu", ce prêtre a créé sa chaîne à Cerna, un village près de Vérone, lors de l'explosion des télés privées, en 1977. En 1990, Tele Pace obtenait une fréquence à Rome. Depuis 1996, les programmes de Vérone et de Rome sont unifiés sur le satellite. Patron tout-puissant, sinon de droit divin, don Guido Todeschini a toujours fait la sourde oreille aux demandes des journalistes du télé-journal romain pour la transformation de leurs contrats à temps partiel en temps plein. Piero Schiavazzi, embauché à plein temps mais toujours au grade de simple rédacteur malgré sa notoriété, ne revendique rien pour lui-même. Après avoir ferraillé naguère pour la régularisation d'un employé au noir, il confesse sa faute : "J'ai fait entrer le syndicat, autant dire le diable, à Tele Pace." Aujourd'hui, il est solidaire de ses camarades ; il attend comme eux qu'on lui signifie son licenciement. Le Vatican continuera à donner gracieusement les images de son Centre de télévision (CTV) à Tele Pace. Il dit son impuissance à régler un conflit concernant une entreprise privée. La secrétairerie d'Etat a tout de même conseillé aux ambassadeurs de regarder désormais "l'antenne de référence", Sat 2000, la chaîne satellitaire créée par l'Eglise italienne en 1997, mais restée dans l'ombre de Tele Pace en dépit de ses gros moyens.