Annonce La station spatiale attend le retour de la navette a navette spatiale américaine Discovery a décollé avec succès, mardi 26 juillet, à 10 h 39, heure de Cap Canaveral, avec sept astronautes à son bord. Les deux fusées d'appoint de la navette se sont séparées comme prévu deux minutes après son lancement. Puis le réservoir externe s'est détaché huit minutes et 40 secondes après la mise à feu.Les pièces d'un Meccano géantParticipants. Seize pays associés : Etats-Unis, Japon, Canada, Russie, onze pays représentés par l'Agence spatiale européenne (Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, France, Italie, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède, Suisse), et Brésil.Grandes dates. 20 novembre 1998 : lancement du premier élément de l'ISS. 2 novembre 2000 : début de l'occupation de la station par trois hommes. 1er février 2003 : explosion de Columbia. L'équipage de l'ISS descend à deux membres.Equipages. Jusqu'ici russes ou américains. L'équipage actuel (depuis le 15 avril) est composé de Sergueï Krivalev et de John Phillips. Le retour de la navette doit permettre la reprise des équipages à trois. L'Allemand Thomas Reiter devrait monter dans la station avec le vol d'Atlantis à l'automne. Une fois achevée, l'ISS pourra accueillir six à sept astronautes.Transports. La navette américaine (capacité de 100 tonnes) a effectué 16 vols pour l'assemblage de l'ISS, son ravitaillement et le transfert des astronautes. Les Russes ont réalisé 30 vols : 3 pour l'assemblage, 10 pour le transport d'équipages dans des vaisseaux Soyouz, 17 non habités, avec le cargo automatique Progress. L'ESA doit lancer, en 2006, avec une fusée Ariane 5, son propre vaisseau non habité de ravitaillement, l'ATV (automated transfer vehicle). Baptisé Jules-Verne, le premier modèle, d'une masse de 20 tonnes, sera la charge la plus lourde emportée par une Ariane.Eléments. Aujourd'hui composée d'une douzaine d'éléments, pour une masse de 183 tonnes, la station devrait compter, une fois achevée, près de 30 modules représentant une masse d'environ 450 tonnes. Parmi les principaux éléments attendus, le laboratoire européen Columbus.[-] fermerL'effet secondaire des mesures contre l'Iran La navette devrait s'arrimer, jeudi 28 juillet à 13 h 18, à la station spatiale internationale (ISS). Celle-ci, qui n'est encore que l'esquisse de l'énorme complexe spatial annoncé, attend avec impatience le retour de l'indispensable fournisseur des modules qui la compléteront. Mais ce mariage d'intérêt, qui a souffert de deux années et demie d'éloignement depuis la catastrophe de Columbia, le 1er février 2003, ne se prolongera guère.Le nouvel administrateur de la NASA, Michael Griffin, a fait savoir que la navette ne pourrait remplir ses engagements de 28 vols pour achever la station. Les trois avions spatiaux en activité, poussés à la retraite en 2010, ne rendront au mieux qu'une petite vingtaine de visites à l'ISS. Le patron de l'agence spatiale américaine, tenu par un accord intergouvernemental, doit se débrouiller pour concilier ses exigences avec le nouveau programme d'exploration lointaine vers la Lune, puis Mars, dessiné par George Bush. Des sacrifices dans la construction de la station sont donc à redouter, qui menacent de renvoyer l'ISS à sa condition : un monstre inachevé, à la conception datée, au coût exorbitant (environ 100 milliards de dollars), aux bénéfices scientifiques incertains, à la popularité insignifiante."A quoi sert-elle ?" demanderont de plus belle ses nombreux détracteurs. Pour les Américains, qui lancèrent les projets qui la préfiguraient au début des années 1980, sous la présidence de Ronald Reagan, la réponse était triple : industrielle, politique et commerciale. Pour tromper l'ennui de l'après-Apollo en faisant tourner la machine de l'industrie spatiale menacée par l'inactivité, le plan était de faire vivre une station en orbite par des allers-retours incessants d'hommes et de matériels depuis la Terre. Le couple navette-station spatiale était né, mais il ne se conforma jamais à ce schéma idyllique.La deuxième réponse était politique. Les Américains étaient prêts à faire la navette seuls, et à partager la station. "C'e st une ligne claire, presque officielle, de leur politique spatiale , explique Roger-Maurice Bonnet, ancien directeur scientifique de l'Agence spatiale européenne (ESA) et président du Comité mondial de la recherche spatiale (Cospar). La NASA coopère dans les domaines où elle souhaite contrôler les investissements de concurrents potentiels." Principalement sous l'impulsion des Allemands, les Européens s'engagèrent. Les Français firent preuve de bonne volonté pour recevoir en échange de l'aide pour Ariane. Avec les Russes, les Japonais, les Canadiens, les Brésiliens, en tout seize nations se lancèrent dans le projet.S'ajoutait une troisième raison, claironnée : la future station devait préfigurer ces usines de l'espace capables de fabriquer des produits révolutionnaires grâce à l'absence de gravité. Las, bien avant le placement en orbite du premier module, en 1998, il était évident que les industriels ne mordraient pas à cet hameçon commercial.Pour la station, ce fut la première d'une série de désillusions. La navette spatiale, bien qu'indispensable, n'était pas à la hauteur de la tâche. Seule capable de porter les charges les plus lourdes, les "bidons" qui constituent l'essentiel du Meccano céleste, elle ne peut pas s'envoler plus de cinq fois par an. Ses coûts de fonctionnement, sa fragilité, ne lui ont jamais permis de rivaliser avec l'efficacité des fusées classiques. Dès le début de la construction, les délais se sont ajoutés aux pannes, jusqu'au coup d'arrêt brutal porté par la désintégration de Columbia.La catastrophe a plongé la station dans un état proche de l'hibernation. Elle est devenue entièrement dépendante des engins d'approvisionnement russes : les vaisseaux Soyouz pour les hommes et les cargos automatiques Progress pour le fret. Leur capacité limitée a obligé à réduire à deux personnes au lieu de trois l'équipage de la station. Or celle-ci se trouve sur une orbite basse environ 400 kilomètres où elle frôle les couches supérieures de l'atmosphère. Ces frottements lui font perdre chaque jour de l'altitude et obligent fréquemment à la rehausser grâce aux moteurs du vaisseau Soyouz, arrimé en permanence pour une éventuelle évacuation d'urgence. Ces tâches de pilotage, ainsi que celles de maintenance, détournent l'équipage de l'activité scientifique. Depuis qu'ils sont deux à bord, les occupants de l'ISS ne consacrent qu'une moyenne de dix heures par semaine aux expériences.Pendant ce temps, dans des hangars au sol, patientent des laboratoires fin prêts, comme le module de l'ESA Columbus. Son nom donne une idée des délais : il devait rendre hommage à Christophe Colomb avec un lancement en 1992. Ces "bidons" ne voleront pas avant 2006, si tout va bien. Si les Américains les retiennent dans leurs plans de vol surtout. Car la concurrence s'annonce acharnée entre partenaires pour les rares places disponibles dans les navettes. Les responsables de l'ESA cachent de moins en moins leur agacement : "Tous nos engagements ont été tenus, tous nos investissements ont été effectués en temps et en heure, et nous n'avons encore rien vu voler , dit Jean-Jacques Dordain, directeur général de l'agence. Ce serait un échec terrible de ne pas lancer ce qui est terminé." L'inquiétude est d'autant plus vive que tout le monde a senti l'étiolement de l'enthousiasme américain pour l'ISS, depuis la réorientation imprimée à la politique spatiale par George Bush. Ce changement de priorité apporte une vigueur nouvelle aux détracteurs de la station, exaspérés de voir l'aventure spatiale tourner en rond autour de la Terre depuis trente ans au lieu de regarder vers le lointain. Les plus extrémistes demandent l'abandon pur et simple d'un projet assimilé à un gaspillage coûteux.Tenue par ses engagements, la NASA n'explorera pas cette piste, sauf nouveau désastre de navette. Elle souhaite au contraire adapter l'utilisation de l'ISS à ses nouveaux objectifs, en faire le lieu de répétition générale de ses futures expéditions lunaires puis martiennes. La station peut effectivement offrir le cadre idéal pour expérimenter les effets des longs séjours dans l'espace sur la fiabilité des matériels, la santé et la psychologie des hommes. L'ISS trouverait là, in extremis, sa justification.
