Crise La spirale des affrontements conduit le Sri Lanka vers la guerreLa sécurité a été renforcée au Sri Lanka alors que combats et accrochages entre les forces gouvernementales et les guérilleros du LTTE (Tigres de libération de l'Eelam tamoul) ont causé une soixantaine de morts entre samedi 17 et dimanche 18 juin.La crainte d'une attaque du LTTE sur Colombo ou son port a été avivée par l'arrestation, samedi, sur la plage de Pamunugama, un village à une quinzaine de kilomètres de la capitale, de deux hommes-grenouilles. A l'arrivée de la police, les deux suspects ont avalé des capsules de cyanure -, poison que les combattants du LTTE sont tenus de porter en permanence. Peu après, deux puissantes explosions se sont produites dans la mer.Au même moment, mais plus au nord, au large de la presqu'île de Mannar, une dizaine de bateaux du LTTE ont attaqué des unités de la marine sri-lankaise. Selon un porte-parole du ministère de la défense, Prasad Samarasinghe, l'organisation séparatiste tamoule aurait perdu trente hommes et huit bateaux, alors que la marine nationale déplorerait douze morts et la perte de trois bateaux. Dans un communiqué sur leur site habituel (Tamilnet), les rebelles ne reconnaissent que deux blessés de leur côté.Cet incident a déclenché, selon des témoins, une riposte de la marine sur des villageois tamouls qui s'étaient réfugiés dans l'église de Pesarai - un village où est située la base navale. Des tirs imprécis à l'intérieur de l'église et le jet d'une grenade ont fait six morts et vingt-quatre blessés parmi les civils. D'autre part, une vingtaine de bateaux de pêche ont été incendiés dans ce qui apparaît être une opération de représailles. Dimanche, encore, trois policiers ont péri dans l'explosion d'une mine qui avait été placée près d'une citerne d'eau de la police dans le district d'Anuradhapura (centre nord).Parallèlement, des accrochages entre la rébellion tamoule et une faction dissidente des Tigres ont tué au moins six personnes dans l'est de l'île, selon des sources militaires.Après deux jours de bombardements aériens et d'artillerie sur des positions du LTTE par l'armée, les Tigres ont demandé à l'ambassadeur de Norvège au Sri Lanka - dont le pays fait office de "facilitateur" dans la recherche d'une solution - de transmettre "un fort avertissement au gouvernement que le LTTE serait forcé de répliquer" si les attaques continuaient. Les bombardements avaient été ordonnés après l'attentat du 15 juin contre un bus transportant des civils, qui avait causé la mort de soixante-quatre personnes (dont seize enfants et deux moines).PAS DE CONSENSUS POLITIQUENi les Tigres ni les autorités ne semblent vraiment intéressés à privilégier la paix. Les appels à la reprise des négociations, qui se multiplient à l'intérieur et à l'extérieur du Sri Lanka, n'y changent rien. Samedi, l'Union européenne a exhorté ainsi les parties en présence à "arrêter les violences, à revenir à la table des négociations afin de renforcer le cessez-le-feu (de février 2002) et à s'acheminer vers un règlement politique durable pour mettre fin au conflit".Au sein du gouvernement, des faucons, pensant que le LTTE peut être vaincu militairement, s'opposent à des partisans d'une solution négociée. De sorte que, depuis sa mise en place à la fin 2005, le cabinet n'a avancé aucune proposition de nature à intéresser les Tigres. "Le président (Mahinda Rajapakse) n'a aucune initiative, note un éditorialiste de Colombo, qui requiert l'anonymat. Il se contente de réagir, mais ne peut pas proposer quoi que ce soit de nouveau puisqu'il n'y a pas de consensus sur une solution." Harry Goonethileke, un analyste des questions de sécurité, appuie le constat : "75 % à 80 % de la population veulent des négociations, (mais) le gouvernement n'a pas de stratégie."De son côté, l'organisation des Tigres reste affaiblie par la scission du "colonel" Karuna, chef de ses forces dans l'est de l'île, et n'est pas disposée à négocier maintenant. "Le LTTE veut montrer qu'il est fort militairement avant toute ouverture de pourparlers", affirme le même éditorialiste. Quatre ans de cessez-le-feu ont amoindri son emprise sur la population tamoule qu'il contrôle et, pour la regagner, le LTTE cherche à provoquer une violente réaction des forces de sécurité sur des civils tamouls. Comme l'écrit, dimanche, un éditorial du quotidien The Island : "Rien ne servirait mieux les visées des Tigres qu'un "pogrom" antitamoul, que le LTTE est déterminé à provoquer. Cela doit être présent dans toutes les têtes." Dans ce contexte, la Norvège s'interroge de plus en plus sur sa mission de "facilitateur" du processus de paix.
