Exposition La révolution Brücke L'Allemagne célèbre le centenaire du mouvement d'avant-garde expressionniste avec quatre expositions à Berlin. «Brücke et Berlin. 100 ans d'expressionnisme», Neue Nationale Galerie. Jusqu'au 28 août. www.smb.spk-berlin.de «Frühe Druckgrafik der Brücke», jusqu'au 11 sept. puis «Karl Schmidt- Rottluff. Les années berlinoises 1946-1976» : 23 sept-15 janv, Brücke Museum. www.bruecke-museum.de «Brücke 1905-1913. Expressionnisme allemand», à partir du 1er oct. Berlinische Galerie. www.berlinischegalerie.de es Allemands ne pouvaient passer à côté du centenaire de la naissance du mouvement «Die Brücke», fer de lance de l'expressionnisme. Pour fêter ses peintres d'avant-garde, ou «sauvages», Berlin a déjà inauguré deux expositions, l'une à la nouvelle Galerie nationale, l'autre au musée de la Brücke, charmant pavillon construit en 1967 dans la forêt de Grünewald. Mais ce n'est pas tout. Passé l'été, la Berlinische Galerie accueillera à son tour une grande exposition, actuellement à Barcelone (lire page suivante). Climat réactionnaire. L'historien de l'art Christian Saehrendt expliquait l'importance politique de Die Brücke dans un article publié le 15 juin dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung. A l'Est, comme à l'Ouest, le mouvement exerce une fascination. Tandis que les chanceliers Helmut Schmidt (SPD) puis Helmut Kohl (CDU) les ont accrochés dans leurs bureaux, de nombreux peintres est-allemands disent avoir été influencés par leur style. Pourtant, le mouvement n'était pas en odeur de sainteté au sein du SED (PC est-allemand), qui y voyait une émanation de la bourgeoisie déchue incompatible avec la nation socialiste. Les fondateurs de la Brücke sont pourtant des révolutionnaires. Le 7 juin 1905, Fritz Bleyl, Erich Heckel, Ernst Ludwig Kirchner et Karl Schmidt-Rottluff, étudiants en architecture à l'Ecole technique supérieure de Dresde et férus de peinture, créent Die Brücke. Tous quatre sont fans de Nietzsche et passent leur soirée à déclamer Ainsi parlait Zarathoustra où le terme «Brücke» apparaît fréquemment. Les jeunes gens, ne supportant plus le climat réactionnaire de l'époque impériale de Guillaume II, rêvent modernité. Leur manifeste, gravé par Kirchner en 1906, dit : «Nous voulons conquérir la liberté d'agir et de vivre en nous opposant aux forces sclérosées du passé. Sont des nôtres tous ceux qui expriment spontanément et de façon authentique ce qui les pousse à créer.» Comme on peut le voir dans l'exposition de la nouvelle Galerie nationale, le groupe se frotte à toutes les techniques : eau-forte, gravure sur bois, craie, tissage, meubles inspirés des «arts primitifs». Moins connus que leurs toiles aux couleurs vives, ces travaux sont des plus intéressants. En 1906, Emil Nolde et Max Pechstein, deux autres artistes devenus par la suite très populaires, demandent leur adhésion au groupe. En 1910, c'est au tour d'Otto Müller. Des artistes étrangers comme Cuno Amiet, Kees Van Dongen et Axel Gallén-Kallela soutiennent le mouvement. Tous refusent les conventions, de forme, de couleur et de sujet. Leurs paysages, leurs nus, leur goût pour l'exotique forment un monde totalement subjectif. Scissions. Fasciné par le dynamisme de Berlin, les conjurés quittent Dresde en 1911 et découvrent dans les rues de la capitale, et sa vie nocturne, de nouveaux sujets d'intérêt. Après plusieurs scissions, le groupe se sépare en 1913, chacun suivant sa voie. Sous le nazisme, certains comme Schmidt-Rottluff, tenu pour artiste «dégénéré», sont bannis des musées. Aujourd'hui, Die Brücke est partout. Dans les bureaux d'hommes politiques ou d'Ikea. C'est peut-être là la raison pour laquelle le public ne s'est pas encore rué à la nouvelle Galerie nationale, comme il l'avait fait en masse à l'exposition du MoMA. Ou à la rétrospective sur la peinture de l'Est, qui avait donné lieu à une vague de nostalgie sans précédent.