Annonce La rechute de l'emploi aux Etats-Unis ravive les craintes pour la croissance en 2005 L'embellie aura été de courte durée. La surprise des 337 000 créations d'emplois en octobre a été suivie à nouveau d'une déception en novembre. Selon les chiffres publiés vendredi 3 décembre par le département du travail, seuls 112 000 postes ont été créés en novembre et la statistique d'octobre a même été révisée légèrement en baisse à 303 000 créations d'emplois. Le taux de chômage a reculé de 5,5 % à 5,4 %, mais ce chiffre n'est pas considéré comme très significatif par les économistes car il reflète avant tout les fluctuations de la population active. Comme lors de la campagne présidentielle, l'administration s'est félicitée des statistiques annoncées, et les démocrates les ont jugées inquiétantes. Selon le secrétaire américain au Trésor, John Snow, elles "confirment que l'économie américaine est sur la voie d'une croissance régulière". Pour Lawrence Mishel, de l'institut de politique économique EPI, proche des démocrates, "avec une croissance chancelante de l'emploi et des salaires, le marché du travail semble faible, ce qui bridera la consommation à l'avenir". Depuis le début de l'année, l'économie américaine a créé un peu plus d'un million et demi d'emplois. Le chiffre peut sembler important mais correspond tout juste aux 140 000 postes nécessaires chaque mois pour faire face à l'augmentation de la population active. Les experts, qui pour la plupart anticipaient 200 000 nouveaux emplois en novembre, se sont à nouveau trompés, et ils se montrent perplexes face aux signaux contradictoires de l'économie américaine. D'un côté, l'activité s'est redressée après le trou d'air du printemps ; de l'autre, un ralentissement semble inéluctable en 2005 compte tenu de la lassitude des consommateurs et d'une plus faible progression des bénéfices. Ainsi, la croissance du PIB (produit intérieur brut) au troisième trimestre a été révisée à la hausse cette semaine à un rythme annuel de 3,9 % : la consommation et l'investissement toujours soutenus et des exportations dopées par la faiblesse du dollar expliquent cette performance. Elle a conduit les analystes à revoir légèrement en hausse leurs prévisions de croissance pour le quatrième trimestre, à 3,5 % en moyenne. Mais dans le même temps, la progression rapide, depuis trois ans, des bénéfices des entreprises s'est ralentie. Elle est revenue d'une augmentation en rythme annuel de 28 % au premier trimestre à 8 % au troisième. D'où les interrogations sur la capacité des sociétés dans les prochains mois à investir et embaucher. "L'évolution des profits n'est clairement pas une bonne nouvelle, surtout pour ceux qui comptent sur l'investissement pour tirer l'économie l'année prochaine", explique Robert Brusca, économiste en chef de Fact and Opinion Economics. Les économistes Sheryl King et David Rosenberg, de Merrill Lynch, ont prévenu leurs clients que les prochains mois pourraient être marqués par une succession de statistiques défavorables "sur les revenus des ménages, les dépenses et la production". POUVOIR D'ACHAT MENACÉ Autre signe du ralentissement à venir, l'indice de confiance des consommateurs, calculé par le Conference Board, était en baisse en novembre pour le quatrième mois consécutif. La consommation représente plus des deux tiers du PIB américain et a une influence déterminante sur l'activité. Elle semble pour l'heure solide. Mais si les emplois créés sont peu nombreux et si les salaires n'augmentent pas, le pouvoir d'achat des Américains serait menacé, surtout si les prix du pétrole restent élevés et si les taux d'intérêt continuent à remonter. "Au-delà des fêtes de fin d'année, l'érosion continue de la confiance dans l'avenir suggère que les consommateurs ne pensent pas que l'économie sera très dynamique au début de l'année prochaine", souligne Lynn Franco, directeur du Conference Board. Pour autant, le ralentissement ne transparaît pas vraiment encore dans les chiffres. Ainsi, les dépenses de consommation ont augmenté de 0,7 % en septembre, plus que le prévoyaient les analystes. En novembre, l'indice d'activité industrielle de l'Institute for Supply Management était également supérieur aux prévisions, à 57,8. Même le Beige Book, l'étude de conjoncture régionale de la Réserve fédérale (Fed), publiée cette semaine, est favorable. Elle souligne que "la croissance économique était soutenue" jusqu'à la mi-novembre dans onze des douze régions étudiées. Pour ajouter à la confusion, la Bourse de New York est optimiste. Son rebond après la réélection de George Bush s'est poursuivi. L'indice Dow Jones a atteint cette semaine son plus haut niveau depuis neuf mois, terminant vendredi soir à plus de 10 592 points. "La faiblesse des créations d'emplois n'est pas forcément une mauvaise nouvelle pour la Bourse. Les chiffres suggèrent que les entreprises restent toujours concentrées sur le contrôle des coûts et les gains de productivité", estime David Rosenberg, de Merrill Lynch. En outre, si l'année prochaine la croissance faiblit, la Fed pourrait cesser alors de remonter les taux d'intérêt, une autre perspective favorable à la Bourse.