Statistique La Pologne détient le record du chômage dans l'Union européenne avec un taux de près de 20 % La Pologne détient, parmi les 25 Etats membres de l'Union européenne, un double record révélateur d'un marché du travail très dégradé : le taux de chômage crève les plafonds (19,3 % en mars) et le taux d'activité au sein de la population active (64 %) est le plus bas d'Europe. Si les chiffres du chômage ont légèrement baissé ces derniers mois, les experts ne s'attendent pas à une création massive d'emplois, bien que la croissance soit de retour (5,3 % en 2004). La thérapie de choc appliquée au pays après la chute du communisme pour assurer sa transition vers une économie de marché a supprimé des centaines de milliers d'emplois, au rythme de la restructuration des mastodontes industriels. Phénomène sans équivalent à l'Est, la Pologne a ensuite vu fleurir une multitude de PME. Le secteur des services a commencé à se développer. Mais ce "capitalisme sans capital" a mal résisté au coup de frein économique (1999-2003). Le chômage s'est envolé, passant de 10,6 % (1998) à 19,7 % (2002), au sein d'une population active de 17 millions de personnes. Le travail au noir, difficile à évaluer, révise ces données à la baisse. Mais "cela ne doit pas faire oublier que ce sont des emplois instables et souvent mal payés" , rappelle Marek Rymza, sociologue à l'Institut des affaires publiques (ISP). "La Pologne se caractérise aussi par une pyramide du chômage sans doute unique en Europe" , souligne Piotr Bledowski, professeur d'économie sociale à l'école supérieure de commerce de Varsovie (SGH). La moitié des chômeurs ont moins de 35 ans et 38 % des moins de 24 ans sont sans emploi. "On pensait que les jeunes étaient plus flexibles, qu'ils traverseraient le pays pour chercher du travail. Sauf que, à l'autre bout de la Pologne, on n'embauchait pas plus" , regrette M. Bledowski. De plus, le marché du travail ne parvient pas à absorber la génération issue du baby-boom enregistré durant l'état de guerre, décrété en 1981. "ÎLOTS DE PAUVRETÉ" "Les demandes d'emploi sont inadaptées à l'économie réelle. On continue de former des gens à des métiers qui n'ont aucun débouché" , explique M. Bledowski. Dans ce pays où une personne active sur cinq travaille à la campagne, il cite l'exemple de ces dizaines de lycées de mécanique agricole créés pour répondre aux besoins de coopératives socialistes fermées depuis longtemps. Les différents gouvernements se sont inquiétés de cette situation. "Ces trois millions de chômeurs sont aussi des électeurs" , glisse M. Rymza. Un programme gouvernemental de soutien au premier emploi a été lancé récemment. "Il ne concerne que quelques dizaines de milliers de jeunes, alors qu'il devrait en toucher au moins 500 000" , regrette le sociologue. Des efforts restent aussi à accomplir pour inciter les employeurs à offrir des formations professionnelles qui augmenteraient les chances de reconversion. Car la durée moyenne du chômage s'allonge (16,6 mois actuellement) et un tiers des demandeurs d'emploi le sont déjà depuis plus de deux ans. "Cela devient chronique" , constate M. Rymza. Dans certaines régions mono-industrielles, et là où les anciennes coopératives agricoles ont fait faillite, le taux de chômage dépasse les 35 %. "Des îlots de pauvreté peuplés d'une sous-classe sociale s'y développent" , constate Ilona Gosk, responsable d'un programme de formation pour les chercheurs d'emploi à la Fondation pour les initiatives économiques et sociales (FISE). "Or les institutions publiques sont inefficaces" , se lamente-t-elle. Le réseau des agences pour l'emploi, qui ne sont pas coordonnées entre les structures régionales et locales, se contente de verser les indemnités sociales à ceux qui y ont droit durant leur première année de chômage, soit 15 % des personnes actuellement sans emploi. "On compte un employé de ces agences pour 2 000chômeurs, qui doivent donc se débrouiller seuls" , souligne Mme Gosk. Dans ces conditions, trouver un emploi nécessite de la chance ou un solide réseau de relations. "Il y a tant de chômeurs que, souvent, les employeurs ne passent pas d'annonces d'offres d'emploi. C'est le bouche-à-oreille sur un marché où les employeurs font la loi" , conclut M. Bledowsk