Procès La planète blog atterrit en justiceLa ville de Puteaux poursuit pour diffamation un blog, site web très personnel. Une première en France.C'est une première. Un blogueur est convoqué devant la 17e chambre correctionnelle de Paris aujourd'hui. Il est poursuivi pour diffamation par la mairie de Puteaux. «MonPuteaux.com est menacé de fermeture. C'est la liberté d'expression d'un simple citoyen "qui a décidé de l'ouvrir" qui est prise pour cible... face à un clan qui cumule tous les pouvoirs locaux depuis trente-six ans : maire, députée et vice-sénatrice, maire adjoint et conseiller général, 38 élus sur 43 au conseil municipal...», proteste Christophe Grébert. Depuis trois ans, son blog est une belle épine dans le pied de la famille Ceccaldi-Raynaud qui tient la municipalité. Et a décidé de contre-attaquer en justice.Grébert, 36 ans, est putéolien depuis quinze ans. Sympathisant socialiste, il décide d'adhérer au PS deux jours après le premier tour de la présidentielle, consterné de voir Le Pen au second tour. «Qu'est-ce que je peux apporter concrètement ? se demande-t-il à l'époque. Ça ne me disait rien d'aller en réunion de section tous les mois et d'y refaire le monde.» Le 1er mai, il ouvre un site Internet, transformé ensuite en blog. Pour lui, l'Internet peut devenir un média de quartier. «Il y a deux ans, France Télécom comptait 4 000 abonnés à l'ADSL sur 40 000 habitants à Puteaux, explique-t-il. Aujourd'hui, il y en a peut-être 10 000.» Il imprime des milliers de cartes découpées qu'il distribue à la sortie du tram : «Que se passe-t-il à Puteaux ?» interpelle un slogan invitant à se rendre sur le site. Toujours armé d'un bloc et d'un appareil photo, le journaliste de profession mitraille les travaux rue Jean-Jaurès, le concert au kiosque de l'île, la fermeture d'un bar, et se rend à son premier conseil municipal le 23 juillet 2002.Représailles. Dans son compte rendu, il s'étonne de la rapidité de la séance, une demi-heure montre en main pour soixante questions et du fait «qu'un budget de 600 000 euros (!) pour la réalisation d'un petit jardin derrière l'hôpital est voté, sans sourciller, par l'ensemble des conseillers». La commune est riche. Sur son territoire se trouve la plus grande partie de La Défense. Les dépenses en série ne provoquent guère de remous. Ce soir-là, à la mairie, il n'y a que lui et «deux mémés qui tricotent...» Cette tranquillité ne va pas durer. MonPuteaux.com, qui n'hésite pas à égratigner la gestion municipale, devient une tête de Turc. «Puteaux était une ville où tout le monde était bâillonné, renchérit Nadine Jeanne, conseillère municipale PS depuis 2001 et blogueuse de fraîche date, où personne n'osait parler parce que le maire était capable des pires représailles.»Lors des conseils municipaux suivants, la tribune qui compte une cinquantaine de sièges, est bondée. Christophe Grébert reste dans le couloir avant qu'on lui interdise purement et simplement l'accès au conseil en février 2003. Son histoire prend un tour médiatique le 17 octobre quand une petite manifestation de soutien se fait refouler de l'entrée de l'hôtel de ville par des gros bras municipaux devant les caméras de France 3, tandis qu'une contre-manifestation d'une centaine de personnes conduites par Joëlle Ceccaldi, députée (UMP), alors première adjointe et fille du maire, dénonce le «totalitarisme» et les «socialo-communistes».Pendant deux ans, Christophe Grébert dit avoir subi des intimidations diverses. «Des insultes dans la rue, une course-poursuite, des appels téléphoniques. J'ai vécu l'enfer.» Il varie son parcours pour aller faire ses courses, évite de sortir à la nuit tombée, mais demeure déterminé.Plainte. La municipalité finit par porter plainte. Incriminés : la diffusion sur le blog d'un extrait du Parisien daté du 26 avril 2004 dans lequel une ex-employée de la mairie qui assigne son ex-employeur devant le tribunal administratif témoigne, et le commentaire que rajoute Grébert. Près de 27 000 euros sur le budget de la commune sont votés pour rémunérer l'avocat. En mai dernier, Christophe Grébert met en place un bouton d'appel à dons pour l'aider à couvrir ses frais de justice. Il a récolté à ce jour 2 400 euros. Et la sympathie de toute la blogosphère (lire ci-contre).«Les blogs ne sont pas un espace en dehors des lois, reconnaît Loïc Le Meur, directeur Europe de Six Apart, l'hébergeur de MonPuteaux.com, mais il ne faut pas non plus tomber dans l'excès inverse.» «La juridiction sur les blogs est la même que celle qui s'applique pour tout site Internet, explique Murielle Cahen, avocat spécialiste des nouvelles technologies. L'éditeur est responsable de ce qui est écrit et des commentaires de ses internautes.» Responsable oui, mais dans un contexte municipal où la démesure semblait la règle. MonPuteaux.com plaide la bonne foi. Est-ce l'imminence de l'audience ? Pour la première fois depuis le 23 juillet 2002, Christophe Grébert a eu l'impression au dernier conseil municipal qui s'est tenu jeudi, d'y assister comme tout citoyen lambda.
