Mort de la mort du président Eyadéma
Mort La mort du président Eyadéma ouvre une période d'incertitude au Togo Doyen des chefs d'Etat africains et figure de la "Françafrique", considéré par beaucoup comme un dictateur patenté, Gnassingbé Eyadéma est mort samedi 5 février dans la matinée, a annoncé samedi soir le gouvernement togolais. L'armée a décidé de "confier" le pouvoir à Faure Eyadéma, un des fils du chef de l'Etat défunt. L'Union africaine a aussitôt dénoncé "un coup d'Etat militaire". Jacques Chirac a salué la mémoire d'un "ami de la France"."Le Togo vient d'être frappé par un grand malheur. Il s'agit d'une véritable catastrophe nationale. Le président n'est plus", indiquait le texte publié par le gouvernement togolais, samedi 5 février dans la soirée. "Il a rendu l'âme ce samedi matin 5 février alors qu'il était évacué d'urgence pour des soins à l'extérieur du pays", précisait le texte. "Ce deuil cruel dont est victime notre pays à une période de notre vie commune doit nous inciter à préserver la paix et l'unité nationale qui sont nous atouts les plus précieux", poursuivait le communiqué du gouvernement. "Le gouvernement, les forces armées et de sécurité, veilleront à ce que l'ordre, la sécurité et la paix règnent sur toute l'étendue du territoire national", assurait le communiqué, lu à 19 heures locales (20 heures à Paris) à la radio nationale par le premier ministre, Kofi Sama.Dimanche, le gouvernement togolais a officiellement décrété un "deuil national" de deux mois "sur toute l'étendue du territoire". L'ARMÉE "CONFIE" LE POUVOIR AU FILS DU DÉFUNTLe gouvernement togolais a ordonné, samedi soir, le bouclage immédiat des "frontières terrestres, maritimes et aériennes" du pays, a-t-on appris de source officielle. Moins de deux heures après l'annonce du décès, le chef d'état-major des Forces armées togolaises a lu à la télévision un communiqué annonçant que l'armée décidait de "confier" le pouvoir à Faure Eyadéma, un des fils du chef de l'Etat défunt.En vertu de la Constitution, l'intérim présidentiel devait être assuré par le président de l'Assemblée nationale, Sambaré Natchaba Ouattara, qui se trouvait à l'étranger au moment de l'annonce du décès. "Les FAT (Forces armées togolaises) se trouvent devant l'évidence que la vacance du pouvoir est totale", indiquait le communiqué lu à la télévision nationale par le général Zakari Nandja. "Le président de l'Assemblée étant absent du territoire national, et pour ne pas laisser perdurer cette situation, les FAT ont décidé de confier le pouvoir à Faure Eyadéma à partir de ce jour", a déclaré l'officier supérieur.LES DEPUTES MODIFIENT LA CONSTITUTIONLes députés de l'Assemblée nationale togolaise ont modifié, dimanche 6 février, en séance extraordinaire, l'article 65 de la Constitution portant sur la vacance du pouvoir en cas de décès du chef de l'Etat, ont constaté des journalistes de l'AFP. Dans son ancienne version, l'article 65 prévoyait qu'"en cas de vacance de la présidence de la république par décès (...), la fonction présidentielle est exercée provisoirement par le président de l'Assemblée nationale" et l'organisation d'une élection présidentielle "dans les soixante jours de l'ouverture de la vacance". Le nouvel article 65 a supprimé le mot "provisoirement", et ne fait plus mention d'organisation d'un scrutin présidentiel. Les députés ont en revanche ajouté la phrase suivante : "le nouveau président de la République exerce ses fonctions jusqu'au terme du mandat de son prédécesseur".Juste avant, les députés avaient voté la destitution du président du parlement et plusieurs parlementaires ont demandé que soit élu à ce poste Faure Gnassingbé, fils du président Gnassignbé Eyadéma décédé samedi, auquel l'armée avait "confié" le pouvoir en violation des règles constitutionnelles.LE PRÉSIDENT DE L'ASSEMBLÉE RETENU AU BÉNINSelon l'entourage du principal opposant, Gilchrist Olympio, qui vit en exil à Paris, le président de l'Assemblée nationale, Sambaré Natchaba Ouattara, a quitté l'Europe pour Lomé à la suite du décès du président togolais. "Il était en Europe, notamment à Bruxelles ces derniers jours. Il rentre actuellement en avion à Lomé", a indiqué par téléphone à l'AFP, samedi soir, l'un des assistants de Gilchrist Olympio. M. Ouattara est arrivé samedi soir au Bénin à bord d'un vol d'Air France dérouté sur Cotonou, a-t-on appris de source aéroportuaire. Ce vol Air France a été détourné vers le Bénin après la fermeture des frontières aériennes, terrestres et maritimes du Togo. Gilchrist Olympio a déclaré, samedi soir à l'AFP, souhaiter que la mort du président togolais permette que le "Togo se mette sur le chemin de la démocratie". "Je souhaite des élections transparentes et libres dans les deux, trois prochains mois", a-t-il ajouté dans un entretien téléphonique à Paris, où il vit en exil depuis une tentative d'assassinat contre lui en 1992. Gilchrist Olympio a l'intention de se rendre au Togo "après en avoir parlé avec son parti", l'Union des forces du changement (UFC).LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE DEMANDE LE RESPECT DE LA CONSTITUTIONAprès le communiqué de l'armée togolaise, le président de la Commission de l'Union africaine (UA), Alpha Oumar Konaré, a dénoncé "un coup d'Etat militaire". "Ce qui est en cours au Togo, appelons les choses par leur nom, c'est une prise de pouvoir par l'armée, c'est un coup d'Etat militaire", a déclaré à l'AFP M. Konaré à Addis Abeba (Ethiopie), où siège l'UA. "Il est clair que l'Union africaine ne peut pas souscrire à une prise de pouvoir par la force, il est donc improtant qu'on en revienne au respect des règles constitutionnelles", a-t-il ajouté. "L'Union africaine devra contribuer à l'ouverture du jeu politique pour que les élections soient transparentes et sans exclusive", a encore dit M. Konaré. "Nous proposerons rapidement une rencontre des chefs d'Etat de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao) et de l'Union africaine pour suivre l'évolution de la situation", a-t-il conclu.Dimanche dans la matinée, le président de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'ouest (Cedeao), le chef de l'Etat nigérien, Mamadou Tandja, a "condamné fermement la prise du pouvoir" samedi au Togo "par l'armée togolaise en violation des dispositions constitutionnelles" dans ce pays, dans un communiqué transmis à l'AFP. Dans ce communiqué, le président de la Cedeao "condamne fermement cette prise du pouvoir anti-constitutionnelle" et "réaffirme l'attachement de la communauté" à ses principes qui s'opposent, notamment, aux "changements anti-constitutionnels de gouvernement en Afrique". La France, qui perd avec M. Eyadéma l'un des derniers dinosaures de son pré carré en Afrique de l'Ouest, a joint sa voix dimanche à ces appels pressants, estimant "indispensable le respect de la Constitution togolaise" et le "strict respect de la légalité". Le Commissaire européen au développement et à l'action humanitaire, le Belge Louis Michel, a appelé également dimanche les responsables togolais au "respect strict des procédures prévues par la Constitution" au Togo. "Toute autre démarche ne pourrait qu'hypothéquer la stabilité du pays, le dialogue politique interne ainsi que les perspectives d'amélioration des relations avec l'Union européenne", a ajouté le Commissaire européen dans un communiqué. Le président français Jacques Chirac a eu dimanche plusieurs entretiens téléphoniques avec des dirigeants africains, a indiqué l'Elysée, sans préciser lesquels. "La France soutient les efforts engagés par l'UA et par la CEDEAO pour convaincre les forces politiques togolaises de s'en tenir au strict respect de la Constitution", a ajouté l'Elysée.CALME À LOMÉLa situation était normale, dimanche matin, dans les rues de la capitale togolaise, Lomé, après une nuit calme, a constaté un correspondant de l'AFP.Samedi, l'annonce officielle en début de soirée à la télévision et à la radio nationale de la mort du président n'avait suscité aucune manifestation ou regroupement populaire.Les rues de la capitale togolaise sont restées calmes pendant toute la nuit, se vidant cependant dans la soirée un peu plus vite qu'à l'accoutumée.Dimanche matin, toujours aucun militaire n'était visible dans les rues, aux principaux carrefours de la capitale, ou près des ministères. Aucun déploiement de soldat n'était également à signaler autour de la résidence du chef de l'Etat, "Lomé 2".A Dekon et Bé, les deux grands quartiers populaires de Lomé, la vie suivait son cours normalement. Dimanche à l'aube, quelques joggeurs pouvaient être aperçus sur les grandes avenues de la ville, tandis que des fidèles se rendaient comme d'habitude à leur messe dominicale.Après avoir annoncé officiellement samedi soir la mort du président Eyadéma, la radio nationale continuait dimanche à diffuser en boucle et en continu des chants religieux.Les communications téléphoniques nationales et avec l'étranger fonctionnaient normalement, malgré quelques petites perturbations samedi en début de soirée, a-t-on également constaté.L'entourage du principal opposant au régime, Gilchrist Olympio, en exil à Paris, avait affirmé samedi que les "soldats togolais ont quitté leur camp pour descendre vers Lomé" et que les "communications téléphoniques sont coupées avec le Togo".