Manifestation La manifestation du mouvement de l'opposition égyptienne Kefaya ("Ça suffit"), pour protester contre la candidature du président Hosni Moubarak à un cinquième mandat, avait été prévue la semaine dernière au Caire, puis reportée en raison des attentats de Charm el-Cheikh, "par respect pour la douleur du peuple égyptien" . Samedi 30 juillet, rendez-vous avait finalement été donné aux militants à Midan el-Tahrir, la place principale de la capitale égyptienne.Alors que quelques centaines d'entre eux affluaient vers la place, vers 18 heures, ils ont été poursuivis par des milliers de policiers anti-émeutes n'ouvrant leurs rangs que pour laisser passer des hommes en civil, armés de matraques, qui ont battu brutalement des manifestants avant de les traîner vers des fourgonnettes.Alors qu'il voulait aider une jeune manifestante, Amine Iskander, l'un des leaders de Kefaya, a été frappé et arrêté. Quelques heures après sa libération, il a encore du mal à admettre la violence de la répression. "Même l'armée a été déployée ! On n'avait pas vu cela depuis les manifestations populaires contre l'augmentation du prix du pain, en 1977 !" , dit-il.Journalistes et photographes n'ont pas été épargnés. Tandis qu'une quarantaine de personnes, parmi lesquelles George Izaak, coordinateur de Kefaya, âgé de 66 ans, et d'autres leaders tels Amine Iskander, Hani Enan ou Waël Khalil étaient interpellés, une dizaine de blessés ont été évacués vers les hôpitaux, dont deux pour des côtes fracturées. "Nous avons été enfermés pendant plusieurs heures, raconte M. Iskander : puis George Isaac et moi avons été convoqués dans le bureau d'un chef de la Sûreté générale, qui nous a dit : "A partir de maintenant, la donne a changé : vous choisissez un candidat, vous votez pour lui, mais les manifestations, c'est fini ! Nous vous en empêcherons par tous les moyens, y compris la violence." Il nous a ensuite relâchés."SIGNES DE FATIGUEPendant ce temps, la résistance s'organise. Les militants qui ont échappé à la police se sont réfugiés dans les locaux du syndicat de la presse et décident de tenir un sit-in jusqu'à ce que tous leurs compagnons soient libérés. Sur les marches de l'édifice, ils sont une centaine à hurler des slogans anti-Moubarak devant une foule compacte de policiers casqués. Nachwa Talaat, une jeune femme qui avait été déshabillée de force (humiliation suprême en Egypte) et battue lors d'une manifestation, le 25 mai, est portée sur les épaules des militants en symbole de la lutte. "Moubarak , crie-t-elle, tu dis combattre le terrorisme à Charm el-Cheikh, mais c'est ton régime qui est terroriste !" Dans la nuit, l'ambiance se détend. Les policiers montrent des signes de fatigue. Lorsque fusent certains slogans typiques de l'humour égyptien, certains esquissent un sourire. Plus tard, les manifestants distribuent cigarettes et sandwichs aux hommes en uniforme. Mais plusieurs d'entre eux se demandent si ce n'est pas l'opposition qui montre des signes de faiblesse. "Cela devient ridicule , murmure Ahmed Charaf, opposant et avocat : Kefaya ne fait preuve d'aucune organisation. Il y a chaque jour moins de manifestants et plus de prisonniers." Dimanche, 24 personnes étaient encore aux mains de la police. Dans la matinée, les responsables de Kefaya ont porté plainte pour violences devant la Haute Cour de justice mais sans espoir, affirment-ils : les plaintes précédentes sont restées lettres mortes.La télévision officielle a ignoré la manifestation, mais le ministre de l'intérieur a déclaré que les prévenus "seront déférés devant la justice" . "Encore une mise en garde , analyse Amine Iskander : la période préélectorale s'annonce très chaude." MM. Iskander et Izaak reçoivent régulièrement des menaces téléphoniques.Ayman Nour, chef du parti El-Ghad, fragile mais principal rival de M. Moubarak en vue de l'élection présidentielle prévue le 7 septembre, et dont plusieurs camarades ont été arrêtés, assure être soumis à d'intenses pressions. "Le gouvernement a peur. Il pense : "Aujourd'hui, ils manifestent contre la candidature de Moubarak, alors que feront-ils quand celui-ci sera réélu ?"", explique-t-il. En attendant, le sit-in continue...
