Arrêt La Lituanie arrête un de ses deux réacteurs nucléaires de type Tchernobyl L'Union européenne avait exigé cette mesure.Stockholm de notre correspondant régionalHéritage empoisonné de l'époque soviétique, la centrale nucléaire d'Ignalina, située en Lituanie, a tourné une page importante de son histoire avec la fermeture, vendredi 31 décembre 2004, d'un de ses deux réacteurs civils. C'est la Commission de Bruxelles, soutenue par plusieurs membres de l'Union européenne (UE), qui avait exigé de Vilnius l'établissement d'un calendrier portant sur le démantèlement de la centrale comme préalable à l'adhésion du pays.Inaugurée il y a vingt et un ans, Ignalina a une tare : ses réacteurs sont de la même famille que ceux de la centrale de Tchernobyl (Ukraine), théâtre, en 1986, du plus grave accident nucléaire civil de l'histoire. Ces unités de type RBMK - fonctionnant à l'eau bouillante modérée par du graphite - ont été conçues sans enceinte de confinement susceptible de les protéger en cas d'accident."Le processus s'est déroulé en douceur et conformément à nos prévisions", a déclaré à l'AFP Viktor Chevaldine, le directeur de la centrale, située dans le nord-est du pays. Quant au second réacteur d'Ignalina, lancé en 1987, il doit subir le même sort avant le 1er janvier 2010.S'il suit jusqu'à présent son cours normal, ce dossier n'en reste pas moins politiquement sensible et lourd d'enjeux industriels et sociaux. Conçue pour approvisionner le flanc occidental de ce qui était encore l'Union soviétique, la centrale est surdimensionnée par rapport aux besoins de la Lituanie. Elle permet donc au pays de gagner de l'argent en exportant ses kilowatts, tout en fournissant 70 % de l'énergie produite pour un prix relativement bon marché. Une telle manne n'est pas négligeable pour un pays qui dépend de la Russie pour son approvisionnement en gaz et en pétrole.Pourquoi alors fermer un tel outil, modernisé dans les années 1990 et n'ayant connu aucune avarie grave ? A l'instar de Rolandas Paksas, l'ex-président destitué en 2004, des responsables politiques ont tenté de capitaliser sur cette incompréhension. Notamment dans la région d'Ignalina, où la centrale fait encore vivre 3 600 employés - d'origine russe pour la plupart - et de nombreux sous-traitants.Au cours de l'automne 2004, le premier ministre, Algirdas Brazauskas, a évoqué un report d'un an de la fermeture du premier réacteur. Selon lui, une telle mesure risque de provoquer des pénuries dans la région. Pour des experts occidentaux, toutefois, il s'est agi avant tout d'une manœuvre destinée à obtenir les meilleures conditions possibles pour un démantèlement dont le coût est estimé à 2 à 3 milliards d'euros sur trente ans.La Lituanie veut d'abord compenser la perte de production par des centrales électriques classiques, en cours de rénovation. Mais après ? Elle cherche à convaincre la Pologne d'investir en commun dans une interconnexion de leurs réseaux électriques respectifs, ce qui permettrait au pays balte d'être, à terme, raccordé à l'Europe occidentale. Par ailleurs, des responsables lituaniens ne désespèrent pas de construire une nouvelle centrale avec le soutien de pays voisins. Un marché encore hypothétique que lorgnent déjà les industriels du secteur, à commencer par le français Areva.
