Accuser La justice condamne l'Etat et la SNCF pour leur rôle dans la déportation de juifs L'Etat français et la SNCF ont été condamnés mardi 6 juin en raison de leur rôle dans la déportation de juifs pendant le régime de Vichy dans une procédure engagée devant le tribunal administratif de Toulouse par des membre de la famille du député européen Alain Lipietz. Une décision qualifiée"d'historique" par le militant Vert, dont des parents avaient été transférés en mai 1944 vers le camp de Drancy. "C'est la première fois dans l'histoire que l'Etat et la SNCF, en tant que tels, ont été condamnés", a-t-il déclaré. Le tribunal les a condamnés à verser une somme totale de 62 000 euros aux requérants, l'oncle du député et les ayants-droit du père de M. Lipietz et de sa soeur Hélène, conseillère régionale Verts d'Ile-de-France. Arno Klarsfeld : "On ne peut demander aux gens d'être des héros" La plainte qui a fait condamner la SNCF par le tribunal administratif est "démagogique, basée sur des arguments historiquement faux", a estimé Me Arno Klarsfeld, qui défend la compagnie face à des accusations du même ordre aux Etats-Unis. Cette condamnation de la SNCF "sera certainement réfutée en appel", a dit l'avocat pour qui "les convois de déportation étaient allemands, pas français". "Où commence le crime contre l'humanité et où finit-il ? On ne peut demander aux gens d'être des héros. On ne peut demander aux cheminots de se mettre sur les rails", a-t-il ajouté. "Plus personne n'est coupable si tout le monde est coupable", a lancé l'avocat pour qui ce jugement "crée une dilution de la responsabilité qui est très grave". - (Avec AFP) [-] fermer La SNCF fait appel Dans son jugement, les juges ont pris en compte le préjudice subi par les victimes : "Leur enfermement dans les locaux de l'administration pénitientiaire de Toulouse à la suite de leur arrestation par la Gestapo le 8 mai 1944 à Pau, leur acheminement par la SNCF (...), leur internement au camp de Drancy du 11 mai au 17 août 1944." RESPONSABILITÉ DE L'ETAT Les juges ont estimé qu'il s'agissait d'"une faute de service qui engage la responsabilité de l'Etat", car "l'administration française ne pouvait manifestement ignorer que leur transfert (...) a facilité une opération qui devait normalement être le prélude à la déportation des personnes concernées". "Le tribunal a reconnu que l'Etat et la SNCF ont fait plus que ce que leur demandaient les Allemands" concernant la déportation "non seulement des juifs mais également des Tziganes ou des homosexuels", a remarqué Alain Lipietz. Contre la SNCF, qui facturait ces prestations au tarif de 3e classe alors que les personnes étaient transportées dans des wagons à bestiaux, la juridiction administrative a considéré que "la société nationale n'a jamais émis ni objection ni protestation sur l'exécution de ces transports". Elle a même souligné que celle-ci avait "continué à réclamer le paiement de telles factures après la Libération". Le tribunal de Toulouse a repoussé les exceptions de prescription évoqués par l'Etat et l'avocat de la SNCF, Me Arno Klarsfeld, estimant que les victimes "n'ont disposé d'informations suffisantes sur leur créance qu'à partir du milieu des années 1990", "plus précisément lorsqu'a été rendu accessible au public le rapport documentaire (...) établi en 1996 par M. Bachelier, chercheur au CNRS, à la demande de la SNCF", sur le rôle de l'entreprise dans le transport des juifs. "Ce n'est qu'à partir de 2001, avec l'arrêt Papon et la déclaration du président Chirac, que les victimes des agissements de l'Etat, comme mon père et mon oncle, ont compris qu'elles étaient en droit de réclamer réparation", a rappelé M. Lipietz. Si le tribunal a suivi les recommandations du commissaire du gouvernement, Jean-Christophe Truilhé, qui avait plaidé pour une condamnation, il n'a pas évoqué la notion de "complicité de crime contre l'humanité" qui figurait dans la requête des plaignants.