Annonce La justice britannique oblige les écoles à accepter le port du "jilbab" Défendue par l'avocate Cherie Booth, épouse du premier ministre, une musulmane de 16 ans revendiquait son droit à exprimer sa religion.Londres de notre correspondantShabina Begum, 16 ans, Britannique et musulmane fervente, a remporté, mercredi 2 mars, une victoire judiciaire - et vestimentaire - inédite dans un pays où le port des habits religieux à l'école publique n'avait jamais jusqu'ici suscité de véritable controverse, la plus grande liberté étant la règle dans ce domaine. La jeune fille, d'origine bangladaise et orpheline, s'est vu reconnaître par la justice le droit de porter le jilbab, une longue robe traditionnelle qui ne laisse apparaître que les mains et le visage. Ce droit lui avait été refusé par son ancien lycée, un établissement mixte d'Etat situé à Luton, au nord de Londres. Elle avait préféré changer de lycée et porter son cas devant la justice, en faisant valoir qu'on lui déniait "le droit à l'éducation et le droit de manifester ses convictions religieuses". En juin 2004, la justice lui avait donné tort en première instance. Cette fois, la cour d'appel de Londres lui a donné raison.Cette affaire est d'autant plus exemplaire qu'elle a pour origine un conflit qui a éclaté dans un lycée d'Etat accueillant des élèves de toutes origines et pratiquant une politique vestimentaire très souple. La directrice, Yasmin Bevan, est une jeune femme originaire, elle aussi, du Bangladesh. Les élèves appartiennent à 21 groupes ethniques différents, parlent 40 langues, et sont musulmans à 80 %.UNE PREMIÈRE JURIDIQUEConformément à une politique décidée par le lycée après consultation du ministère de l'éducation, des parents, des organisations musulmanes et des élèves, ces derniers peuvent porter soit l'uniforme classique, avec jupe ou pantalon, lequel est autorisé pour les filles, soit choisir le shalwar kameez, un ensemble de couleur bleue comprenant un sarouel et une tunique. Les jeunes filles sont autorisées à porter le voile. Shabina a refusé cette dernière tenue, estimant qu'elle ne couvrait pas assez son corps.Bénéficiant d'une aide judiciaire pour mener son action, avec l'appui de son frère, âgé de 21 ans, elle a reçu un renfort de premier plan, celui de l'avocate Cherie Booth, l'épouse de Tony Blair. Dans sa plaidoirie, en décembre 2004, elle avait fait valoir que le Royaume-Uni n'ayant pas de loi interdisant, comme en France, tout signe religieux ostentatoire, le lycée de Luton n'avait pas le droit de "décider et de choisir" seul quelle pratique il devait autoriser. Les juges l'ont suivie en estimant que la décision du lycée était contraire à la loi britannique, qui a fait sienne la Convention européenne des droits de l'homme, dont l'article 6 garantit la liberté religieuse. L'école a donc illégalement dénié à la jeune fille "son droit à exprimer sa religion". Ce jugement est une première, car dans les établissements d'Etat les élèves ont toujours pu arborer sans problème le foulard musulman, la kippa juive ou le turban sikh.La Grande-Bretagne n'a pas de législation sur les uniformes scolaires, chaque école étant souveraine en ce domaine. Les directives évoquent la nécessité d'"un habit approprié", sans plus de détails. L'interdiction du voile dans les écoles de France avait suscité une grande incompréhension parmi la communauté musulmane britannique. Le Conseil des musulmans du Royaume a qualifié le jugement de décision de "bon sens".
