Annonce La junte thaïlandaise lance des enquêtes anticorruptionLes Bangkokiens se faisaient toujours photographier, samedi 23 septembre, devant les chars installés sur la Royal Plazza, quatre jours après le coup d'Etat militaire qui a renversé le gouvernement élu de Thaksin Shinawatra. Ils viennent en famille - chemisette jaune couleur du trône et gamins déguisés en militaires. Le coup d'Etat, indiscutablement populaire, aura été un modèle d'économie de moyens dans le dispositif militaire. Les Thaïlandais, qui l'approuvent, lui ont donné le surnom de pathiwat classic (révolution classique), un terme largement plus positif que l'appellation rat-taprahan, qui désigne, stricto sensu, un putsch sans acquiescement de la rue.Le Conseil pour la réforme démocratique sous la monarchie constitutionnelle (CDRM) a par ailleurs formé une commission spéciale chargée d'enquêter sur les avoirs de tous les membres de l'administration de l'ex-premier ministre Thaksin, celui-ci compris. Ces derniers ont jusqu'au 18 octobre pour déclarer leurs biens à la commission nationale contre la corruption, dont les neuf membres - des civils - devaient tenir la première session lundi. Celle-ci doit dresser un inventaire complet des richesses éventuellement accumulées par l'ex-chef du gouvernement, ses collaborateurs et amis politiques.M. Thaksin, milliardaire des télécommunications et des médias, aurait évacué quelque 114 valises au contenu inconnu hors du pays, à bord de deux vols de la compagnie aérienne nationale, Thai Airways International, entre son départ pour l'étranger, le 9 septembre, et l'avant-veille du coup d'Etat, le 17 septembre, selon des déclarations d'un responsable de la compagnie citées par l'agence Associated Press et reprises par la presse thaïlandaise. L'information a toutefois été démentie par l'armée de l'air et la direction de Thai Airways.FERVEUR POPULAIRED'autre part, la junte doit passer au peigne fin tous les contrats des grands projets d'équipement initiés par le gouvernement renversé. Cette étude doit durer un an - le délai que s'est donné la junte pour remettre tous les pouvoirs qu'elle s'est arrogés en déclarant la loi martiale à une consultation électorale populaire.Dans l'intervalle, les militaires, entourés de juristes, ont préparé une "mini-Constitution" provisoire, longue d'un dixième de celle de 1997 qu'ils ont abrogée, qui devrait être soumise au roi Bhumibol Adulyadej dans les prochaines heures. Ce texte doit servir de loi fondamentale jusqu'à ce qu'une assemblée, qui reste à former, mette au point une nouvelle charte nationale, qui sera la 15e ou la 16e (selon les décomptes) du royaume depuis que la monarchie absolue a été abolie par un putsch, en 1932.Depuis cette date, le Siam, renommé Thaïlande, a connu dix-huit prises du pouvoir par l'armée, la dernière incluse. Le putsch du 19 septembre est, de l'avis général, le premier à recueillir une telle ferveur populaire. Un chercheur de la faculté de sciences politiques de l'université Thammassat, Chaiwat Satha-Anand, s'en est inquiété dans le quotidien anglophone Bangkok Post. C'est, écrit-il, "une énigme morale : renverser un gouvernement élu, en dépit du fait que cela s'est fait sans violence et probablement pour la bonne cause, est condamnable en raison du tort que cela inflige à la société qui l'accepte comme justifié". Ce point de vue est partagé par divers militants des droits de l'homme mais semble minoritaire à en juger par le courrier des lecteurs des principaux journaux thaïlandais, qui ne sont pas écrits par la junte.
