Anniversaire La danseuse russe Maïa Plissetskaïa, 80 ans, interprète magnétique de l'histoire du ballet classique et figure du Bolchoï de Moscou, additionne les soirées de gala pour fêter son anniversaire. Après Tokyo, Vilnius, Londres et Moscou, c'est Paris qui célébrera, mardi 28 février, l'insatiable étoile. Maïa Plissetskaïa, dans une forme entretenue, d'une vivacité saisissante, sera, en dépit de problèmes de dos, sur la scène de l'Espace Cardin. Elle ne sera pas seule. Ce jubilé parisien enfile les pièces courtes classiques et modernes interprétées par Marie-Claude Pietragalla, Julien Derouault, Wilfride Piollet et Jean Guizerix. Maïa Plissetskaïa conclura la soirée par le solo de 4 minutes, toute en grâce flexible, que lui a offert Maurice Béjart en 2000, Ave Maïa, sur des musiques de Bach et de Gounod. Quel est le quotidien d'une danseuse comme vous, pour qui le mot retraite ne veut rien dire ? Je vis entre Moscou et Munich, mais je passe le plus clair de mon temps dans les avions entre deux galas, deux jurys ou des master-classes que je donne dans les écoles du monde entier. Je ne suis pas intéressée par la transmission telle que la pratiquent certaines danseuses auprès d'étoiles plus jeunes. Je fais néanmoins quelques ateliers pour des groupes autour des rôles que j'ai interprétés. J'apprécie en revanche beaucoup de participer à des concours pour observer l'évolution des danseurs. C'est fascinant. Surtout au Japon, où les interprètes de tous les pays se rendent en foule. Les Coréens et les Chinois, dont les corps se sont allongés, les anatomies déliées, se révèlent les plus doués, les plus virtuoses. Ils savent tout danser, ils n'ont pas de limite. Et puis je danse encore et régulièrement, surtout Ave Maïa, chorégraphié par Béjart. Qu'en est-il de l'école russe ? Au fond, l'école russe, c'est avant tout l'école française. Le vocabulaire de la danse est français. Le grand répertoire aussi. Le ballet classique a débarqué en Russie à la fin du XIXe siècle avec le Marseillais Marius Petipa. Après, chaque personne développe un style spécifique. Je dois dire que je vois autour de moi beaucoup de jeunes danseuses qui se sont imprégnées de mon style. Au Bolchoï, il y a eu une grande évolution, comme partout. Les hommes comme les femmes possèdent une technique de plus en plus forte. En revanche, je constate souvent que les plus grands techniciens ne sont pas toujours des artistes. Il y a un manque incroyable de connaissance et d'écoute de la musique. Certains dansent sans que la partition les dérange le moins du monde. Votre carrière au Bolchoï s'est effectuée sous tous les régimes. Du stalinisme, contre lequel vous vous dressiez - votre père a été fusillé en 1938 -, à la perestroïka, durant laquelle vous envoyiez des lettres à Gorbatchev contre la direction du théâtre. Votre rébellion a-t-elle entravé votre carrière ? Je n'ai jamais été contre le Bolchoï. C'est ma maison, un lieu magnifique. En revanche, j'étais contre les gens qui étaient au pouvoir et ceux qui le dirigeaient. Je le faisais savoir. Mais ça n'a pas vraiment changé mon parcours. Même si, au début des années 1950, je n'ai pas pu sortir du pays pendant six ans. J'avais 33 ans lorsque je suis allée enfin danser à l'étranger, en 1959, pour une tournée aux Etats-Unis. Quels sont vos ballets fétiches ? On pense à "La Mort du cygne" sur la musique de Saint-Saëns ou au "Lac des cygnes" de Tchaïkovski, fer de lance de la culture communiste, qui ont fait votre réputation. J'ai tellement dansé que je n'ai aucun ballet préféré. J'ai eu ma période classique, mon moment Béjart, avec, entre autres, le Boléro de Ravel... Le Lac des cygnes, par exemple, me semble archaïque, identique à lui-même depuis sa création. Il n'empêche qu'il faut continuer à l'apprendre, que c'est la base, l'étape obligatoire, comme l'école primaire pour les enfants. On n'invente pas grand-chose dans la vie, tout se répète, et Petipa reste le numéro un. C'est comme Rembrandt, bon pour l'éternité.